Pourquoi avoir choisi de réaliser cette histoire ?
J’avais déjà rédigé des biographies de figures de l’aviation et plusieurs historiques pour des entreprises aéronautiques comme Safran, la propulsion des fusées, les moteurs… Et puis je prends souvent l’avion, à Paris-Charles de Gaulle en particulier ! Cela m’intéressait donc de savoir comment cela fonctionnait, comment ces aéroports parisiens étaient devenus ce qu’ils étaient aujourd’hui, construire une lisibilité d’ensemble qui me faisait personnellement défaut. Des livres existaient déjà comme des albums sur Paris-Orly, mais ce sont principalement des livres de photographies, pas vraiment des ouvrages d’histoire. J’ai donc proposé à Augustin de Romanet d’écrire cette histoire de l’aéroport, pas seulement celle de l’entreprise même si elles sont étroitement liées. Il m’a donné carte blanche.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la France comptait plus de 1 000 terrains d'aviation !
Historien spécialiste de l'économie et des entreprises
Aviez-vous une idée de ce monde avant la rédaction ?
Pendant toute une année de recherches, j’ai découvert cette histoire foisonnante. J’étais un néophyte, comme beaucoup de personnes qui passent fatalement par l’aéroport pour prendre l’avion ! Je pense même que, au fil des générations et des années, le personnel du Groupe ADP ne connaît pas très bien le passé de son entreprise. Je suis ainsi parti à la découverte d’un continent inexploré : l’histoire des différentes générations d’aéroports parisiens depuis la Belle Epoque et la logique de leur évolution. Je dois dire que j’ai toujours aimé Paris-Orly, l’aéroport des sixties seventies, cher au cœur de nombreux Français, « Orly Ouest » en particulier. Je trouvais Roissy difficile à déchiffrer, trop compliqué. Aéroport, aérodrome, aérogare, terminal, hall, satellite… tout un vocabulaire pas toujours très clair pour le grand public, je me suis donc efforcé au début du livre de revenir sur la signification de ces termes. Puis j’ai remonté le temps, un retour en arrière qui montre que la France a été pionnière en matière d’aviation mais aussi d’aéroports, avec Port-Aviation, le 1er aérodrome organisé de l’histoire, qui a fonctionné à Viry-Châtillon, pas très loin de Paris-Orly, de 1908 à 1919. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la France comptait plus de 1 000 terrains d’aviation ! Cet esprit pionnier s’est poursuivi jusqu’à aujourd’hui et au travers de la stratégie mondiale actuelle du Groupe ADP.
Qu’est-ce qui vous a marqué positivement pendant vos recherches ?
Incontestablement, c’est l’aspect à la fois visionnaire et résilient du Groupe ADP depuis sa création. Lorsqu’Alain Bozel remet son rapport au général de Gaulle en 1944, il prédit l’essor de l’aviation civile, notamment au-dessus de l’Atlantique, préconisant un grand aéroport pour Paris qui soit la porte du pays vers le monde. Sa brochure, devenue mythique, est certainement l’acte fondateur de tout ce qui s’ensuit. À sa création en octobre 1945, « L’aéroport de Paris », malgré son statut d’établissement public, fonctionne d’emblée comme une entreprise – qu’il ne deviendra qu’en 2006 – ce qui était exceptionnel en soi. Car le groupe ne reçoit pas de subventions de l’État et doit assurer son auto-financement grâce aux redevances aéroportuaires, auxquelles s’ajouteront les boutiques commerciales et l’immobilier. Ce qu’est devenu le Groupe ADP aujourd’hui, il ne le doit qu’à lui-même, à tous les hommes et femmes qui l’ont conduit, fait fonctionner et développer ! Ils ont relevé tous les défis, en premier lieu celui de l’anticipation maitrisée du futur du trafic aérien. Dans un discours, Pierre-Donatien Cot, le directeur général emblématique des années 1950-1960, souligne la « promptitude avec laquelle le futur fond sur nous. […] ». C’est dire qu’il ne faut pas perdre de temps si l’on veut être prêt au bon moment !
2006
"L'aéroport de Paris" devient une entreprise
Un point négatif ?
Je dirais une certaine hétérogénéité dans l’architecture des terminaux de Paris-Charles de Gaulle : elle s’explique par cette construction par phases successives sachant que, depuis une vingtaine d’années, les plateformes parisiennes se sont en quelque sorte reconstruites sur elles-mêmes, avec les avancées nécessaires. Objet de fascination à ses débuts, l’aéroport s’était banalisé au fil des ans, jusqu’à être qualifié de « non-lieu ». Malgré un épisode Covid qui n’a pas été facile à vivre, notamment pour le personnel, l’aéroport confirme aujourd’hui son entrée dans un nouvel âge, grâce à un niveau d’accueil et d’hospitalité de haut vol. Le Groupe ADP n’hésite pas, comme il l’a démontré dans le passé à initier les anticipations nécessaires avec la révolution de la décarbonation. L’aéroport joue désormais un rôle essentiel dans la chaine de valeur du transport aérien ; il est aussi devenu un pôle économique et urbain, un carrefour de flux, un nœud de réseaux avec l’intermodalité air/ferroviaire… Une ville dans la ville, presque une destination en soi !
Comment voyez-vous l’aéroport du futur ?
Je le vois totalement digitalisé, presque déconnecté de sa fonction première de porte du ciel, avec des accès ultra-simplifiés, fluides jusqu’à en être dématérialisés. Cette digitalisation des différents process, dépôt des bagages, enregistrement, passage frontières, embarquement, etc. qui sont encore aujourd’hui quelque peu fastidieux, permettra une maitrise optimale du temps offrant la possibilité d’un temps suspendu, soit le luxe absolu ! L’histoire de l’aéroport, un lieu-espace jeune, puisqu’il a à peine 100 ans, n’a pas fini de s’écrire et les pages à venir promettent d’être passionnantes !
