29/06/21

L’avion électrique : silence, ça vole !

L’agence de la sécurité aérienne européenne (EASA) a certifié l’avion électrique Pipistrel Velis Electro en juin 2020. Une victoire pour la Fédération Française Aéronautique (FFA) qui peut désormais faire voler ces aéronefs légers, écologiques et silencieux. Et c'est une aubaine pour les riverains des aérodromes franciliens !

Avion électrique Velis Electro © Jean-Marie Urlacher

Avion électrique Velis Electro © Jean-Marie Urlacher

La FFA, qu'est-ce que c'est ?

La FFA est un acteur majeur de l’aviation légère et sportive en France. Avec 45 000 licenciés, c’est la première communauté de pilotes de l’aviation légère en Europe et la deuxième au niveau mondial. Elle regroupe près de 600 aéroclubs, 2 400 avions et compte 550 000 heures de vol par an.

Jean-Luc Charron est président de la F FA depuis 2017. Cet ancien professeur de management en classe préparatoire a commencé à voler en 1969. Il s’engage depuis le début de ses fonctions pour « L’aéroclub de demain », avec l’avion électrique. Rencontre !

EV : Quels sont les avantages de l’avion électrique ?

JLC : L’avion électrique est très silencieux, ce qui est précieux pour les riverains. Son empreinte sonore est en effet est très faible, inférieure au bruit d’une conversation. Sa signature visuelle est très faible également, puisque c’est un biplace léger. Autre avantage lié à la nature de l’appareil : il ne consomme pas de carburant. Le coût du vol est donc réduit car il n’y a pas besoin de faire le plein. Et il effectue donc des vols décarbonnés. Par ailleurs, le taux de recyclage de ses batteries oscille entre 60% et 80%. Ce sont des atouts incontestables en faveur de la protection de l’environnement !

EV : Comment son arrivée est-elle perçue par les riverains d’aérodromes ?

JLC : L’avion électrique suscite un véritable engouement auprès des riverains, que l’on constate particulièrement pendant les Commissions consultatives de l’environnement. A tel point que l’on nous demande souvent si tout le secteur aérien ne pourrait pas passer à l’électrique. Mais il est important de noter que cette généralisation est extrêmement difficile à envisager, voire même impossible à imaginer.

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avions électriques sont actuellement déployés par la FFA en France, dont deux sur l'aérodrome de Toussus-Le-Noble et un à Chavenay-Villepreux.

EV : Comment les aéroclubs utilisent-ils l’avion électrique ?

JLC : Les clubs l’utilisent notamment pour la formation des pilotes. Les avions électriques ont pour avantage d’être simple à manipuler au niveau du moteur, ce qui permet d’entrer facilement dans la 3ème dimension. Il n’y a pas besoin de surveiller la pression, la température de l’huile ou le carburant. Avant la crise sanitaire, sur des avions classiques thermiques, nous avions effectué environ un demi-million d’heures de vol dont la moitié environ durait moins d’une heure complète. Et sur un avion électrique, un vol d’une heure en électrique nécessite une heure de recharge. Ce n’est donc pas forcément contraignant en formation, parce que pendant ce temps-là, on peut faire le débriefing du vol réalisé et le briefing du vol à venir.

L'avion électrique a une autonomie d'une heure environ

Jean-Luc Cherron

Président de la FFA

EV : Pourquoi est-ce la FFA qui est en charge du déploiement de l’avion électrique ?

JLC : Car les équipes de la FFA sont les plus légitimes pour porter le dossier de l’aviation électrique : notre maillage territorial est extraordinaire, avec 600 clubs partout en France, et nous sommes les premiers à avoir initié la transition énergétique via l’aviation électrique, au début des années 2010. À l’époque, nous étions la risée du secteur… aujourd’hui, je passe une grande partie de mon temps à recevoir des porteurs de projet et de nombreux politiques sont surpris de constater à quel point nous avons avancé !

 

EV : Quels obstacles rencontrez-vous dans le cadre de son déploiement  ?

JLC : Il y a d’abord  la question du financement. Un avion électrique coûte 215 000 € avec son chargeur et ses batteries. C’est un petit peu plus cher qu’un avion thermique, mais en quelque sorte, tous les pleins sont faits. Or un avion thermique moderne consomme 15 à 16 litres par heure, ce qui revient à faire un plein pour environ 32 € de l’heure, alors qu’en électrique le plein (la recharge) revient de 2,5 € à 3 €. Mais les avions thermiques ont été très bien conçus, ils sont pérennes et déjà bien amortis. Dans la situation actuelle, compte tenu des progrès technologiques à venir, le financement d’un avion électrique ne peut être amorti qu’en 20 ou 30 ans…

Les constructeurs d’avions manquent aussi de composants : puces électroniques, batteries qui comportent des centaines de cellules, etc. Il n’existe que quatre producteurs asiatiques qui se partagent le marché et l’adressent en priorité à l’automobile. En outre, le secteur aéronautique requiert des cellules particulières qu’il faut commander au moins un mois à l’avance. Le plan de production est plein. Niveau constructeur, seul le slovène Pipistrel est capable de produire en série le Velis Electro que nous utilisons (sur l’image d’illustration en haut de cette page, NDLR), car c’est le seul au monde qui a été capable de certifier un avion électrique. L’allemand Flydesign s’y met, mais cela ne change pas foncièrement la donne.

Cockpit d'un Velis Electro ©Jean-Marie Urlacher

Autre contrainte : la prime d’assurance pour nos avions certifiés. Elle s’élève à 15 000 € environ pour l’assurance casse et la responsabilité civile, ce qui représente 150 € par heure pour 100 heures de vol, 75 € pour 200h et 35 € pour 400 h. Cette problématique d’assurance refroidit les clubs. On nous demande également de faire régulièrement des inspections, mais cette fréquence ne correspond pas à la nature des avions électriques qui est différente des avions thermiques. À ce titre, nous pensons que la réglementation est trop conservatrice et nous souhaitons faire bouger les choses avec l’aide de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). Enfin, les contraintes règlementaires de l’Agence Européenne de Sécurité Aérienne (EASA) augmentent aussi les coûts. De nouvelles batteries sont disponibles, mais nous faisons face à des problèmes de certification.

Dans la situation actuelle, le financement d’un avion électrique ne peut être assuré que par un subventionnement comme au début pour les voitures électriques .

Jean-Luc Charron

Président de la FFA

Le Groupe ADP nous aide déjà au niveau foncier : il loge nos avions sans que l’on ait à payer de loyers, sans redevance à l’atterrissage. C’est important du fait des nombreux tours de piste de nos avions. Il nous donne également un coup de main financier. Le travail est fait en commun sur un certain nombre d’évènements comme par exemple le Paris Air Forum qui crédibilise notre projet, grâce au vol des avions électriques devant les visiteurs. C’est un signal important pour la communauté aéronautique.

EV : Quelles sont les prochaines étapes ?

JLC : Nous sommes conscients que l’univers de l’aéronautique est de plus en plus complexe et du besoin qu’ont certains de voir les choses s’accélérer. C’est sans compter sur la réalité de la technologie et de la chaîne aéroportuaire. Les solutions simples n’existent pas mais des solutions adaptées et cohérentes arrivent peu à peu et l’aviation légère est en tête. Aujourd’hui, la source d’énergie des avions électriques ce sont les batteries. On pourrait par exemple imaginer un avion hybride :  l’électricité permettrait de démarrer sans bruit au décollage, puis le moteur thermique prendrait le relais en vol. Autre source d’énergie à laquelle on pourrait aussi penser : la pile à combustible fonctionnant à l’hydrogène.

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