Référent biodiversité à Paris-Orly depuis 2018, Sylvain Lejal est à l’initiative de la labellisation de la plateforme, qui compte désormais deux labels biodiversité. Passionné d’écologie, il a la charge de la gestion de la prévention du risque animalier et de la gestion des espaces verts du site depuis 2015. Rencontre.
Comment se compose votre équipe et comment s’organise-t-elle ?
Sylvain Lejal : « Dans l’équipe nous sommes 17, dont 11 agents opérationnels en charge de la prévention du risque animalier. Ce sont des effaroucheurs qui ont pour mission de protéger les avions du risque de collision avec les oiseaux. Puis, il y a Colline, assistante en charge du risque animalier et des aspects biodiversité et Pauline, adjointe du service de management environnemental. Toutes deux sont issues d’une filière en écologie. J’ai également un autre assistant en charge de l’animation et du pilotage des prestataires d’entretien des espaces verts car nous opérons avec trois prestataires : Pinson Paysages, le Groupe ID Verde et Les Ateliers des Guyards, un établissement de réinsertion par le travail (ESAT). J’ai également deux apprenties qui étudient en gestion et protection de la nature et en aménagement paysager. Enfin, nous travaillons avec Aéro biodiversité, une association qui a pour mission d’évaluer et améliorer la biodiversité dans le milieu aéroportuaire. »
Paris-Orly a récemment obtenu le label EcoJardin, quelles ont été vos motivations pour candidater à ce label ?
S.L : « J’avais pour motivation de suivre les pas de mon prédécesseur, qui en 2015 avait déjà commencé à réfléchir à la labellisation. Cependant, à l’époque les labels n’existaient pas vraiment, ils ne nous étaient pas très accessibles. Il y avait plusieurs sujets en suspend chez nous avant la labellisation, dont la décision de passer un traitement zéro phytosanitaire dans l’entretien des espaces verts, j’ai donc commencé par là. Quand j’ai repris le service, j’ai étudié le sujet et, très vite j’ai pensé qu’il fallait effectivement labelliser le site. Ce n’était pas si simple pour un aéroport de se faire labelliser, donc l’objectif premier était de montrer et prouver que notre démarche était réelle.
« L’objectif premier était de montrer et prouver que notre démarche était réelle. »
Nous avons choisi le label EcoJardin en particulier car il n’a labellisé aucun aéroport jusqu’à présent, et puis, il utilise des références lisibles par tous car il labelise au départ les parcs et jardins. Ainsi, être labellisés avec ce système-là, prouve bien que nous sommes à la hauteur de parcs et jardins éco-gérés. Les critères permettant d’accéder à la labellisation concernaient la gestion des eaux, de la faune, des matériaux dans l’entretien des espaces verts, la formation des agents ainsi que la communication envers nos publics, les passagers et les riverains. Dans ces critères, il y a un système de points à remporter et nous avons obtenu 63 points sur 100 points, donc un avis favorable. »
63/100
C'est la note obtenue par Paris-Orly en vue de la labellisation EcoJardin
Quelles sont les initiatives prises par le Groupe ADP pour veiller à la préservation des espaces verts de Paris-Orly ?
S.L : « Nous pouvons énumérer nos initiatives par ordre chronologique avec la première démarche en 2015 qui a été de passer en traitement zéro phytosanitaire. Nous entretenons les espaces verts côté ville avec autant de soin que du côté piste. Puis, la deuxième démarche effectuée est un inventaire et diagnostic de la faune à partir de 2014, qui a été concrétisé en 2016. La troisième initiative a vu le jour en en 2016 : nous sommes passés à un plan de gestion différencié. Pas à pas, à partir de 2017, nous avons inclus des objectifs de sauvegarde de la biodiversité, car le sujet biodiversité devient prépondérant et c’est lui qui guide notre démarche.
Depuis 2015, nous prenons soin d’inventorier, de capitaliser sur nos connaissances. Nous avons un plan de formation construit pour les agents, salariés ou parties prenantes, qui est de grande qualité. La difficulté majeure est une construction continue : nous sommes obligés de nous remettre en question régulièrement car la nature bouge tout le temps. Même si on peut faire des prévisions, le plan que nous avons imaginé pour les 2 à 3 prochaines années, doit être remis en question en permanence car la météo, ou des aléas comme le Covid-19 nous ont prouvés que tout peut changer très rapidement. »
« La difficulté majeure est une construction continue : nous sommes obligés de nous remettre en question régulièrement car la nature bouge tout le temps. »
La crise sanitaire a-t-elle eu des impacts sur la gestion écologique du site ?
S.L : « La crise a eu des impacts sur la gestion du site car on a complétement refondu notre plan d’entretien de façon assez soudaine, or 2020 était la dernière année d’un plan entretien sur 5 ans. On finissait un cycle et on a dû revoir rapidement une nouvelle démarche. Nous avons constaté par exemple, que les animaux ont reconquis le terrain en changeant de comportement. La disparition du trafic aérien a fait que les jeunes oiseaux notamment, n’ont pas appris le fonctionnement de la plateforme quand elle est à son régime optimum. Ainsi, certains animaux ne se comportent pas comme ils avaient appris historiquement et donc nous avons eu beaucoup de bouleversements en termes de mouvement d’oiseaux à l’aéroport, et nous pensons que certains de ces bouleversements vont perdurer quelques temps. De plus, certains volumes d’oiseaux sont beaucoup plus importants qu’historiquement et nous pensons que la plateforme sert de regroupement à ces oiseaux-là, une chose qui n’existait pas forcément durant les années précédentes. »
Combien de plantes et espèces animales sont présentes dans votre catalogue ?
S.L : « Nous avons plus de 210 espèces de plantes, une centaine d’espèces d’oiseaux et mammifères recensées, dont 88 espèces d’oiseaux et cinq espèces de chauvesouris. Le catalogue compte également cinq espèces d’orchidées. Nous avons également de multiples espèces pollinisatrices et plusieurs espèces d’abeilles. Nous disposons de protocoles de suivi de ces insectes au même titre que tout le reste de la chaine alimentaire de la plateforme.
A Paris-Orly, on retrouve également des espèces menacées comme l’alouette des champs, ou le moineau friquet qui sont en déclin en Île-de-France et se réfugient sur le site. Ce phénomène s’explique par l’histoire de la plateforme puisque pour sanctuariser des zones de sécurité aéronautique, nous avons exclu une certaine activité humaine. Cette dernière est très faible autour des pistes, ce qui laisse la place à une certaine biodiversité. »
Vous innovez en matière de préservation de la biodiversité : avez-vous d’autres projets à court ou long terme ?
S.L : « À court terme, nous avons un projet de sauvegarde en faveur du moineau friquet. Nous travaillons sur la renaturation d’un espace avec pour objectif, de permettre au moineau friquet de rester implanté dans cette zone. Pour cela, nous allons planter des arbres et des arbustes pour lui permettre de retrouver un écosystème qui lui est propice et qui est favorable à son écologie. Le second grand projet, qui s’intègre dans le plan stratégique de 2035 est un projet de re végétalisation des accès de l’aéroport et du réseau routier en zone passager. Nous allons replanter arbres pour travailler sur deux axes : la reconquête de la biodiversité sur plateforme, et améliorer le cadre de vie des usagers de l’aéroport. Ces deux chantiers commenceront dès mars prochain.
Photographie des abords traités de Paris-Orly
Nous sommes le premier aéroport à avoir deux labels biodiversité et le seul à être labellisé avec EcoJardin. Dans la stratégie du Groupe, on a défini que toutes les aéroports devaient être labelisés en 2025, Paris-Orly en a eu deux en 2021.
« Dans la stratégie du groupe, on a défini que tous les aéroports devaient être labelisées en 2025, Paris-Orly en a eu deux en 2021. »
Nous avons changé notre façon de voir les choses car on luttait contre la nature, mais à Paris-Orly, on a compris qu’il faut travailler avec elle. J’aurai accompli ma mission quand l’homme aura compris et ce doit être comme ça, tout le temps, partout. »