22/01/21 3 questions à

Les pompiers de Paris-Orly : courage, rigueur et efficacité

Saviez-vous qu’une caserne de pompiers était implantée juste à côté des pistes de l’aéroport Paris-Orly ? Freddy Berneron, son responsable, nous fait entrer dans ses coulisses.

Une partie des agents opérationnels de la caserne de Paris-Orly.

Une partie des agents opérationnels de la caserne de Paris-Orly.

Chaque intervention des pompiers sur un avion est d’emblée considérée comme majeure. Alors, pour les pompiers des aéroports, tout doit aller particulièrement vite. À Paris-Orly, ils doivent par exemple pouvoir se rendre en tous points des pistes en moins de trois minutes !

2 minutes

objectif de temps d'arrivée opérationnelle en tous points de piste

Présente à Paris-Orly depuis la création de l’aéroport, la caserne compte 88 agents opérationnels, accompagnés d’une équipe administrative de cinq personnes. Chaque jour, ils sont 15 pompiers minimum à être de garde, pour assurer des missions directement liées à l’aéroport, mais aussi des missions de secours public, similaires à celles de leurs collègues urbains. Pour couvrir cette zone, les pompiers disposent d’une dizaine de véhicules impressionnants, qui peuvent atteindre 12 mètres de long pour plus de 50 tonnes, et rouler au-delà de 130 kilomètres/heure !

Le périmètre des pompiers de Paris-Orly ne s’arrête pas aux pistes ou aux terminaux. Il s’étend sur toute l’emprise aéroportuaire, telle que définie dans le cadre de la loi sur la privatisation du Groupe ADP, avec le centre d’affaires Orlytech, la gare centrale, la zone de fret, les hôtels, etc.

Freddy Berneron a intégré le Groupe ADP en 1997. Après un parcours au sein des pôles Prévention, puis Exploitation, il a pris ses fonctions de responsable des activités RFFS (Rescue Fire Fighting Services, un terme qui appartient au cadre de la réglementation européenne) en mai 2016. Il fait le point sur le métier de pompier d’aéroport et les conditions de travail.

Freddy Berneron

Quelles sont les activités d’un pompier d’aéroport ?

Freddy Berneron : Nous remplissons deux missions principales, l’une liée à l’aéronautique et l’autre au secours public.

Dans le cadre de la réglementation européenne, notre mission aéronautique consiste à lutter contre les incendies d’aéronefs (appareil capable de se déplacer dans les airs , en langage grand public – NDLR) tout en œuvrant simultanément pour le sauvetage des personnes : les passagers, les personnels en cabine, etc. C’est d’ailleurs notre priorité, avant la sauvegarde des appareils et des installations aéroportuaires. Cela représente environ 250 interventions par an.

Notre priorité absolue, c'est de sauver des vies

Dans le cadre de notre mission de secours public, nous intervenons sur l’emprise aéroportuaire (Orlytech, la gare, les hôtels, etc.), à l’identique des pompiers urbains.

Chaque agent est polyvalent, et assure aussi bien les risques aéronautiques que la partie secours publics.

2 000

interventions de secours public sont menées chaque année par les pompiers de Paris-Orly

Nous effectuons également des interventions de prévention auprès des personnels de l’aéroport, principalement dans le cadre d’exercices ou d’initiations au secours à personne.

Quels sont les risques liés à l’activité aéroportuaire ?

Le risque majeur, c’est ce qu’on appelle l’état d’accident (que l’Organisation de l’aviation civile internationale distingue de l’incident, NDLR). Mais il existe également des risques de collisions aviaires, de dépressurisation et de problèmes techniques au sens large : déversements en carburants lors des compléments en kérosène des aéronefs, par exemple.

Nous pouvons aussi intervenir pour répondre à la demande d’un pilote suite à un souci, technique ou pas, ou pour secourir des personnes à bord d’un avion. Dernièrement, nous avons réalisé un accouchement ! Tout s’est très bien passé pour la maman et le bébé : c’est un bel exemple de réussite collective. Mais, de manière générale, les interventions en raison de problèmes techniques sont les plus fréquentes.

Le risque aéroportuaire principal, c’est l’incendie, et il peut arriver très vite. C’est pour cela que nos délais d’intervention sont réduits par rapport à ceux des pompiers urbains. La règlementation nous oblige à avoir la capacité de nous rendre en tous points d’une piste en moins de 3 minutes, dans des conditions normales de fonctionnement, c’est-à-dire quand il fait jour ou qu’il n’y a pas de verglas. À titre de comparaison, pour les pompiers urbains, le délai d’intervention est plutôt de 10 à 15 minutes. Ce qui est déjà relativement court !

Nos véhicules de dernière génération, avec leurs moteurs puissants et leur vitesse de roulage élevée nous permettent de nous rapprocher des 2 minutes qui constituent notre objectif opérationnel.

Est-ce que cela nécessite une formation spécifique ?

Oui. Après avoir suivi leur formation de pompier, nos agents suivent une nouvelle formation dans un centre agréé de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), pour devenir pompier d’aérodrome. Elle est suivie par une formation locale d’une durée dépendant de la taille de la plateforme aéroportuaire. Pour Paris-Orly, cinq semaines de formation sont nécessaires.

Cette formation locale permet d’acquérir une connaissance parfaite de la plateforme, dans toutes ses dimensions : la zone côté ville (landside) et côté piste (airside), les zones voisines de l’aéroport, mais aussi les véhicules, le matériel et l’ensemble des éléments administratifs : permis, autorisations, accréditations, etc.

Ça ne s’arrête pas là. Tout au long de sa carrière, chaque agent est suivi et maintenu à niveau grâce à des formations de maintien des acquis (FMA) portant sur l’ensemble des pans de son métier.

Nous disposons d’un simulateur à la caserne qui nous permet de nous entrainer quotidiennement et de réaliser des scénarii assez proche de situations réelles mais sans le feu.

D’ailleurs, au premier trimestre 2021, les pompiers de Paris Orly se verront dotés d’un tout nouveau simulateur permettant de répondre au plus prêt à la réalité du terrain.

Exercice de mise en œuvre du Groupe Incendie Aéronautique.

Chaque année, les 88 pompiers de Paris-Orly se forment sur feu réel dans une école agréee (C2FPA) via un simulateur de type Airbus A320 et B747. Bien sûr, nous ne brûlons pas de vrais avions : c’est un appareil en ferraille qui dégage du feu. C’est important car le simulateur de la caserne n’apporte pas cette dimension : la sensation de chaleur, le risque de brûlure, la notion de distance, etc.

À quoi ressemblent vos journées ?

Nos journées sont organisées sur un rythme de 24 h de garde : de 7 h le matin à 7 h le lendemain. La journée débute par le briefing du chef de garde, responsable de l’effectif de garde de la journée. Ce dernier liste les tâches et les points particuliers du jour. Ensuite, nous procédons à la vérification de nos véhicules et de notre matériel, même si tout a bien fonctionné la veille. Après, c’est la formation et l’instruction. Les manœuvres et les exercices sont suivis d’autres tâches, comme l’entretien des véhicules, du matériel ou du casernement.

4 heures

de formation théoriques ou pratiques sont délivrées aux pompiers lors de chaque garde

Nous menons régulièrement des visites du secteur de l’emprise aéroportuaire, pour que nos agents connaissent les bâtiments qui se construisent, ceux qui sont fermés ou en travaux, les nouveaux accès voiries ou encore les nouvelles routes. Nous effectuons aussi des reconnaissances en zone voisine d’aérodrome (ZVA), pour être opérationnels en cas d’accident aéroportuaire à l’extérieur de l’emprise aéroportuaire.

Enfin, nos pompiers réalisent parfois ce que l’on appelle une mesure de caractérisation de surface. Quand les conditions météo sont dégradées – pluies diluvienne ou verglas sur les pistes, par exemple –, ce dispositif permet de donner aux contrôleurs aériens, et ensuite aux pilotes, une idée de l’adhérence de la surface de piste (glissante, mouillée) et d’indiquer le traitement particulier qu’il faudra éventuellement effectuer. C’est une particularité de la caserne de Paris-Orly.

Un agent de l’équipe de Freddy Berneron à proximité d'une zone d’intervention .

En fin d’après-midi, c’est le moment de la séance de sport obligatoire, individuelle ou collective. Vient ensuite le dîner. Ces temps d’échanges sont cruciaux pour renforcer la cohésion de l’équipe, d’autant que beaucoup de tâches s’effectuent en binôme ou en trinôme.

Êtes-vous en contact avec les casernes d’autres aéroports ?

Nous avons des contacts plusieurs fois par an avec nos homologues français, y compris des DOM -TOM, et également au niveau européen, avec nos amis suisses ou allemands. Mais nous avons aussi des groupes de travail beaucoup plus loin, avec des aéroports au Canada ou dans la zone Pacifique.

Nous avons besoin de l’expérience de tout le monde, y compris des petits aéroports, qui sont plein de ressources et d’imagination. C’est très constructif. Même si certains enjeux sont spécifiques aux grosses plateformes aéroportuaires, il n’en reste pas moins que le feu brûle autant à Nice qu’à Beauvais ou au Canada.

En quoi votre activité s’est-elle transformée avec la crise sanitaire ?

La pandémie nous a obligés à nous adapter, comme beaucoup de services publics en France.

Bien en amont des directives du gouvernement, nous avons revu le fonctionnement du casernement pour éviter les clusters et préserver la sécurité de nos personnels : pas de sports collectifs et port du masque obligatoire. C’est essentiel : la bonne santé de nos agents garantit la sécurité de la plateforme et des vols.

Avec la fermeture des aéroports et la baisse du trafic, notre activité opérationnelle a baissé. Ce qui ne veut pas dire que nous avons moins de travail : le temps que nous passions en intervention, nous l’employons aujourd’hui pour la formation et la mise en place des mesures sanitaires (entretien et désinfection des locaux et de nos matériels et véhicules).

Un mot pour conclure ?

Mes agents, ce sont ma fierté. Leur engagement au quotidien est exemplaire.

Freddy Berneron

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