31/01/22 3 questions à

Maire et pilote, Vanessa Auroy s’engage pour faire évoluer l’aérodrome de Toussus-le-Noble, dans le respect des riverains

Ingénieure spécialisée en aéronautique, pilote d’avion privé depuis 2013, et titulaire d’une licence professionnelle, la jeune maire de Toussus-le-Noble Vanessa Auroy a toutes les compétences techniques et opérationnelles pour accompagner l’aérodrome de Toussus-le-Noble dans sa transition environnementale tout en garantissant la qualité de vie de ses administrés et des communes avoisinantes. Entretien avec une maire pilote !

Vous êtes maire de Toussus-le-Noble depuis mars 2020. Quelles sont les particularités de ce village ?

Toussus-le-Noble est un village de 1 300 habitants qui fait partie de l’agglomération de Versailles Grand Parc, qui compte d’ailleurs un deuxième aérodrome sur la commune de Saint-Cyr-L’École, appartenant également au Groupe ADP. La particularité de Toussus, c’est d’avoir été une plateforme aéroportuaire avant d’être un village. L’aérodrome existe depuis 1 907 et a démarré avec les vols des frères Farman et l’aviation commerciale. Aujourd’hui, il consacre 80 % de son activité à la formation. Le village s’est construit petit à petit, avec un premier lot de 200 pavillons dans les années 80, puis 200 nouveaux en 2010. C’est un village très tranquille, car au cœur de l’opération d’intérêt national Paris-Saclay. Situé en zone de protection naturelle agricole et forestière, il n’a donc pas vocation à s’étendre et est même verrouillé par l’opération.

Pourquoi avoir voulu diriger ce village ?

Tout l’enjeu de ce mandat est de faire en sorte que l’on continue de bien vivre à Toussus-le-Noble, tout en garantissant son développement économique et démographique. Les habitants viennent ici pour le calme, les forêts, la plaine. Mais, le patrimoine, pour moi, c’est l’aérodrome : il s’agit de conserver et de développer son activité, de créer de l’emploi et de l’intégrer dans l’environnement périurbain. Or créer de l’activité, c’est plus de mouvements, plus de bruits. Mon objectif est de trouver des solutions pour conjuguer tout cela. Côté village, je souhaite conserver un cadre de vie agréable et attirer de nouvelles familles, car notre population est vieillissante, notre école se vide, les enfants partant au collège… Or nous sommes un village dynamique, avec de nombreux services, 60 % des habitants sont engagés dans des associations sportives ou culturelles, nous avons un beau gymnase, des médecins… L’objectif du mandat est que ce dynamisme continue !

Le patrimoine de Toussus-le-Noble, pour moi, c’est l’aérodrome.

La commune de Toussus-le-Noble

Quels sont vos rapports avec les habitants ?

Les habitants savent que c’est une richesse que d’avoir un aérodrome, car cela nous protège d’une urbanisation massive. Le trafic actuel est accepté par la population. En revanche, il y a une petite partie de la population qui a le sentiment de subir davantage de nuisances. Par arrêté préfectoral, nous sommes soumis à un nombre maximum de mouvements — décollage/atterrissage — fixé à 180 000 par an. Or nous sommes aux alentours de 120 000. Les habitants de Toussus-Le-Noble sont si proches de l’aérodrome, qu’ils ne sont pas survolés. Ce sont surtout les riverains des communes avoisinantes, survolés par les tours de piste, qui subissent des nuisances, et souhaiteraient voir abaisser cette limite environnementale. C’est la position du territoire.

180 000

c’est le nombre de mouvements annuels autorisés à l’aérodrome de Toussus-le-Noble

Comment maintenir alors l’équilibre entre les satisfaits et les mécontents ?

Je travaille beaucoup avec le Groupe ADP. Je suis en relation permanente avec les équipes du Bourget. Son nouveau directeur, Sébastien Couturier, m’a confirmé qu’un représentant du Groupe ADP allait être basé à Toussus. Il faut savoir que c’est l’aérodrome le plus important de Groupe ADP, mais il n’a pas de directeur. J’estimais légitime qu’il y ait une personne ayant un pouvoir décisionnel basé ici. Cela va permettre de faire avancer les solutions que l’on met en place. Nous avons créé un petit groupe de travail avec les habitants de proximité, les équipes du Groupe ADP et de la DGAC. Cela permet d’évoquer les problèmes, comme par exemple ceux liés à une entreprise qui vient de s’installer et qui fait beaucoup d’essais moteurs. Grâce à mon bagage aéronautique, je peux proposer des solutions techniques, dont la faisabilité est ensuite étudiée par le Groupe ADP. C’est comme cela que nous travaillons tous ensemble.

Je travaille beaucoup avec le Groupe ADP.

Communiquez-vous avec les autres aérodromes du Groupe ADP ?

Nous avons eu beaucoup d’échanges avec Cannes, ils ont les mêmes problématiques que nous. Ils ont beaucoup moins de mouvements, environ 80 000 annuels, mais ils sont aussi dans une cuvette très urbanisée. Ils ont également des commissions consultatives de l’environnement CCE. C’était intéressant de voir comment ils ont organisé la relation avec les riverains. Ils ont nommé une personne chargée de la mise en œuvre de la politique environnementale en termes de nuisances sonores sur l’aérodrome. C’est quelque chose qu’il faudrait faire à Toussus. En nommant un directeur, nous nous inspirons un peu de ce qu’a fait Cannes.

L’État intervient-il également dans la gestion de l’aérodrome et son développement ?

Oui ! En parallèle, nous avons les commissions consultatives de l’environnement (CCE), présidées par le préfet, qui réunissent le Groupe ADP, la DGAC, les élus des communes avoisinantes les plus impactées par l’aérodrome, et les riverains. Les CCE permettent de fixer un chemin directeur de réduction des nuisances. Mon rôle est d’être une force de propositions auprès du préfet pour permettre de réduire le bruit sur les plages horaires les plus dérangeantes. Il y a aussi tout ce qui concerne le développement technologique, notamment les avions électriques. Enfin, il y a la recherche de financements publics pour permettre aux aéro-clubs et aux écoles de pilotage de Toussus de recevoir des subventions pour équiper leur flotte de pots d’échappement silencieux sur les aéronefs basés. Nous ne pouvons en effet continuer à mettre des restrictions sans aider les entreprises présentes à renouveler leur flotte. L’un de nos objectifs primordiaux est d’accompagner les entreprises pour acheter des avions plus silencieux, plus modernes, plus économes en carburant.

Mon rôle est d'être une force de proposition auprès du préfet pour permettre de réduire le bruit avec des solutions pragmatiques.

Vous êtes ingénieur aéronautique, mais également pilote ! En quoi cela vous aide-t-il dans votre mandat ?

Depuis toute petite, je rêvais de voler. J’ai suivi une filière aéronautique dans mon école pour maîtriser l’aspect technique. Puis j’ai réalisé mon rêve en passant ma licence de pilote privé, puis ma licence théorique de pilote de ligne en 2017, et enfin ma « Commercial Pilot Licence » en 2020. Ce bagage aéronautique m’apporte beaucoup dans mon mandat : quand se présentent des problèmes, j’ai une vision à la fois d’exploitant et d’usager. Quand un riverain vient me voir, je peux dire si une solution est envisageable ou non, sans se lancer dans des choses irréalisables ou trop coûteuses. Cela me permet aussi d’être force de propositions, d’avoir une vision, et d’avancer plus vite.

J'ai réalisé mon rêve en passant mes licences de pilote.

L’aérodrome de Toussus-le-Noble a d’ailleurs une longueur d’avance avec l’acquisition de deux avions électriques…

C’est un projet porté par la Fédération française aéronautique qui a choisi d’y baser une flotte d’avions électriques : c’est ce qu’on appelle le FabLab de la FFA. Le fait d’avoir choisi Toussus prouve que l’on veut transformer notre plateforme en aérodrome pionnier en termes d’innovations technologiques, tellement les contraintes y sont grandes. C’est l’aérodrome le plus contraint de France, avec Cannes juste après nous. La flotte électrique permet de montrer que l’on est capable de faire des investissements et d’utiliser les nouvelles technologies. De prouver qu’il y a une vraie volonté politique du territoire et des usagers, de la FFA et de l’Union des aéro-clubs de Toussus, à choisir cet aérodrome comme vitrine de ce que peut être l’aviation générale de demain. Je trouve que c’est une véritable chance et il en faut plus !

De fait, vous êtes particulièrement engagée pour le développement économique et technologique sur le territoire, notamment en ce qui concerne l’innovation : quels sont vos objectifs en la matière et que mettez-vous en place pour les accomplir ?

Nous avons des zones économiques désaffectées sur la commune, notamment 5,6 hectares de foncier bâti appartenant à la Défense, qui accueillaient anciennement l’établissement de l’aéronautique Navale jusqu’en 2011. Notre objectif est d’attirer des entreprises innovantes, créatrices d’emplois, dans les secteurs de l’aéronautique, de la motorisation ou des mobilités plus largement. Ces terrains qui jouxtent l’aérodrome pourraient permettre de tisser un lien urbain entre l’aérodrome et le village et ainsi être propices à la création de nouvelles synergies.

Pouvez-vous nous parler plus particulièrement du challenge Aero-Saclay pour inventer l’aéroport du futur ?

Ce challenge en est déjà à sa 6e édition ! Il fait plancher des étudiants du plateau de Saclay et d’ailleurs sur les problématiques environnementales d’un aérodrome. En imaginant « l’aéroport du futur », les projets portés par les étudiants doivent être applicables à l’aérodrome de Toussus-le-Noble et doivent lui permettre de s’intégrer dans son environnement périurbain. Ce challenge réunit, au travers de son équipe organisatrice et du jury, des entreprises comme Airbus ou le Groupe ADP, mais aussi des associations de riverains, des usagers de l’aérodrome et la mairie de Toussus-le-Noble. Nous attendons avec impatience les nouveaux projets qui seront proposés lors de la finale du challenge en juin 2022.

La dernière édition du challenge Aero-Saclay pour inventer l'aéroport du futur

Comment conciliez-vous développement économique et technologique d’une part, et nécessaire préservation de l’environnement, d’autre part ?

Les deux ne sont pas contradictoires, bien au contraire. Les enjeux environnementaux peuvent tout à fait être portés par du développement économique à l’échelle locale : en ciblant des entreprises qui travaillent sur l’expérimentation de nouvelles technologies, nous pouvons leur offrir un terrain de jeu immense qu’est l’aérodrome. Il peut servir de site d’expérimentation « grandeur nature » avec des contraintes d’exploitation réelles. Ainsi, cette plateforme devient un véritable laboratoire d’expérimentations en termes de réduction des nuisances (sonores, olfactives, polluantes…).

Les enjeux environnementaux peuvent tout à fait être portés par du développement économique à l’échelle locale : en ciblant des entreprises qui travaillent sur l’expérimentation de nouvelles technologies, nous pouvons leur offrir un terrain de jeu immense qu’est l’aérodrome.

À quelle(s) condition(s) considérerez-vous que vous aurez rempli votre mission en tant que maire de Toussus-le-Noble ?

En donnant le sentiment à la majorité des Nobeltussois qu’ils vivent dans un village où il fait bon vivre, où le cadre de vie est agréable, dans un village bien entretenu, et ce à quelques mètres du plus grand terrain de formation de pilotes en France.

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