Créée en 2018, la Fondation Culturespaces développe des programmes culturels pour les enfants les plus fragilisés par la maladie, le handicap, ou la précarité sociale, pour leur donner accès à l’art et au patrimoine. La Fondation Groupe ADP, dont la mission principale est la lutte contre le décrochage scolaire et l’illettrisme, soutient son programme « Art en immersion » en Île-de-France, lequel a déjà permis à 2 500 petits Franciliens de visiter l’Atelier des Lumières à Paris et de se familiariser avec l’art et le numérique créatif.
Bianca Ciampolini est cheffe de projet du programme « Art en immersion » depuis 2019. Elle nous détaille le projet, son fonctionnement et ses bienfaits pour les enfants.
Pouvez-vous nous présenter le programme « Art en immersion » ?
Créé par la Fondation Culturespaces en 2018, « Art en immersion » est le seul projet de la Fondation déployé sur plusieurs sites en France, en Île-de-France, en Nouvelle-Aquitaine et en Région Sud, les trois régions qui comptent des centres d’art numérique immersif gérés par Culturespaces. Ce programme reçoit beaucoup de soutien institutionnel et financier, notamment du ministère de l’Éducation nationale ou encore de la Fondation Groupe ADP, et depuis son lancement a pris une belle ampleur. Tous les ans, ce sont 7000 enfants sur le territoire qui participent. La Fondation Groupe ADP soutient le programme développé en Ile-de-France. 2 500 enfants Franciliens y participent
7 000
enfants participent au programme Art en immersion tous les ans
En quoi consiste ce programme ?
Il est structuré en plusieurs étapes pour accompagner les enfants avant et après la visite du site, en l’occurrence de l’Atelier des Lumières de Paris pour l’Île-de-France. À l’inverse d’un musée classique, il est compliqué d’organiser des visites guidées dans un centre d’art numérique immersif, le visiteur est immergé dans l’œuvre : il se retrouve dans une halle d’exposition, l’œuvre numérique est projetée sur toutes les surfaces et accompagnée de musique. L’art numérique permet donc un contact immédiat et intime entre l’œuvre et le spectateur.
Nous proposons donc tout un travail en amont avec les enfants de familiarisation avec l’artiste. Chaque participant reçoit une mallette pédagogique contenant des œuvres, pour travailler, observer, regarder les détails. Elle donne les clés de lecture pour plonger dans l’œuvre de l’artiste. Il est également important de parler avec les enfants de la différence entre l’œuvre originale et l’œuvre numérique immersive, qui est une œuvre d’art à part entière.
Chaque année, l’Atelier des Lumières propose une nouvelle exposition. En fonction de l’artiste à l’honneur, le matériel éducatif et artistique change aussi. L’an dernier, c’était Dalí, nous avons donc proposé un atelier autour de l’univers onirique et surréaliste. Avec « Cézanne, lumières de Provence », c’est un travail autour de la nature morte, du portrait et du paysage. Et pour l’année prochaine, c’est encore top secret !
« Notre mallette pédagogique donne les clés de lecture pour plonger dans l’œuvre de l’artiste »
À quels enfants s’adresse ce programme ?
Nous souhaitons favoriser l’accès à la culture des enfants qui en sont le plus éloignés. Cela peut être un éloignement géographique ou social : la Fondation Groupe ADP nous pousse ainsi à aller loin de Paris, dans les banlieues, les zones d’éducation prioritaire, les Quartiers Prioritaires de la Ville (QPV).
Cela peut aussi être un éloignement physique : la pratique artistique peut faire un bien fou à un enfant malade, qui quitte rarement l’hôpital, ou se trouve en situation de handicap. Quand nous les emmenons voir l’exposition, ils sont heureux d’y être et ce bonheur a une immense valeur pour nous. L’objectif est de leur faire découvrir un univers artistique, de les familiariser avec le monde de la culture, d’éveiller leur créativité, tout en favorisant les apprentissages.
Programme « Art en immersion » de la Fondation Culturespaces ©Stéphanie Tetu
Qui peut participer au programme « Art en immersion » ?
1
Écoles REP, REP+, en zone rurale isolée et dispositifs ULIS
2
Structures sociales
3
Hôpitaux pédiatriques
4
Structures d’accueil d’enfants en situation de handicap.
« Les élèves en situation de handicap accèdent difficilement aux contenus des œuvres d'art lorsqu'on les leur montre dans un musée. La dynamique de l'art immersif est différente et s'adresse aux élèves, non pas tant via l'analyse savante d'une œuvre, mais à travers un support multiple qui permet à chacun à se saisir des éléments qui lui sont accessibles. »
Le programme s’adresse donc autant au milieu scolaire que social ou médical ?
Oui, nous avons deux procédures. Dans les écoles, l’enseignant reçoit notre kit et anime les ateliers en autonomie, dans le cadre du volet « Éducation artistique et culturelle » pour la généralisation de l’enseignement artistique à l’école. C’est un projet de classe, voire un projet d’école.
En-dehors du milieu scolaire, les médiatrices de la Fondation Culturespaces interviennent dans les hôpitaux, les structures sociales ou médico-éducatives (d’accueil d’enfants en situation de handicap), pour animer les différentes étapes du programme Art en immersion.
« La pratique artistique peut faire un bien fou à un enfant malade ou en situation de handicap »
Vient ensuite le moment tant attendu : la visite !
C’est le moment magique du projet. Les enfants découvrent l’exposition, dans un lieu atypique. Lorsqu’ils rentrent dans la halle d’exposition, ils sont surpris, enchaînent les « Waouh ! ». Ils sont fiers de reconnaître les œuvres, les artistes, les détails, sur lesquels ils ont déjà travaillé en classe. Pour nous, c’est une grande victoire, car cela signifie que le projet fonctionne.
2 500
c’est le nombre de petits franciliens qui participent au programme tous les ans
Programme « Art en immersion » de la Fondation Culturespaces © Cyrille de la Motte Rouge
« Lors de la visite immersive, certains enfants se sont mis à danser. On sentait leur joie, leur étonnement, tout en étant en confiance car ils reconnaissaient certains éléments travaillés en classe. Certains enfants étaient subjugués… un magnifique moment. Certains timides ou introvertis se sont exprimés sur leur ressenti ainsi que sur l’analyse des œuvres. »
Vous avez mené un projet d’ampleur avec la ville d’Orly. Pouvez-vous nous en parler ?
Grâce à la Fondation Groupe ADP, nous sommes entrés en contact avec la ville d’Orly, et ils ont adoré notre projet. En quelques heures, nous avions plus de 700 enfants inscrits ! Le nombre de places étant limité, nous avons collaboré avec la conseillère pédagogique de circonscription (Éducation nationale), la Cité éducative de la ville d’Orly et la Fondation Groupe ADP pour organiser l’accompagnement pédagogique et le transport en car jusqu’à Paris. La Fondation Groupe ADP a financé le programme, la Cité éducative a pris en charge le transport en car de toutes les classes, l’Éducation nationale a pris en charge une formation supplémentaire pour les enseignants qui se sont impliqués dans un projet plus long qu’habituellement.
Ils ont ainsi organisé la restitution des travaux des 453 élèves qui y ont participé entre 2021, pour l’exposition Dalí, et 2022, pour celle de Cézanne. C’était d’ailleurs une exposition un peu immersive, puisqu’ils ont projeté les productions des enfants à l’aide d’un vidéoprojecteur. Cela leur a tellement plu qu’ils ont voulu se réinscrire, mais nous avons une liste d’attente ! Cela montre que la demande est là.
Les enfants sont donc amenés à produire également des œuvres ?
Oui, lors de l’atelier créatif, qui a lieu à la suite de la visite ! En fonction de l’artiste à l’honneur, nous invitons les enfants à créer librement leur propre œuvre d’art, en s’inspirant de leurs découvertes et en essayant de retranscrire leurs émotions. Enfin, le parcours se termine avec une restitution finale : la mini-exposition. Il s’agit d’un temps d’échanges où les enfants présentent leur production, en discutent avec leurs enseignants, leurs camarades. Monter une exposition fait partie du projet pédagogique, car ils acquièrent des notions en muséographie. C’est également un moment où l’on peut inclure les parents, pour créer du lien parents-enfants.
Avez-vous vécu des moments particulièrement marquants durant ces deux premières années du projet ?
Plein ! Avant de démarrer le programme, une enseignante nous confiait avoir des élèves difficiles à intéresser, ayant du mal à se concentrer, à accrocher, dans une position conflictuelle. Lors de leur participation au projet, il s’est passé quelque chose de magique, les enfants étaient absorbés par l’univers de Van Gogh, ils ont fait des remarques incroyables lors de la visite, du type « Oh, mais il quand il peint on a l’impression qu’il est en train de pleurer… ». L’impact a été super positif sur les élèves, sur le groupe.
J’ai aussi été marquée par la visite très récente d’un groupe d’enfants en situation de handicap. On s’attend à des crises éventuelles, mais cela n’était jamais arrivé, jusqu’à cette fois où un petit a fait une crise à la fin de la visite. Il ne voulait pas partir. Cela nous a beaucoup touché, c’était extraordinaire. Nous l’avons convaincu de partir en lui promettant qu’il y retournerait. Dans ces moments-là, l’impact du projet explose, car l’enfant va voir ses parents en leur disant « J’ai fait un truc extraordinaire, je veux y retourner ! ».