Le balisage lumineux sur les pistes, ça sert à quoi exactement ?
Jérémy Baton : le balisage lumineux, ce sont des équipements électriques qui jalonnent un cheminement au sol. Ces feux guident les pilotes lors du décollage, de l’atterrissage et lors de la circulation depuis le point de parking de l’avion jusqu’aux pistes.
27 000
balises lumineuses encadrent les pistes de Paris-Charles de Gaulle, avec 95 % des sources lumineuses à LED.
Encastrées dans la chaussée, ces aides visuelles lumineuses sont positionnées sur les pistes et les voies de circulation, tous les 15 mètres environ. De jour, on les aperçoit peu : on distingue juste une saillie d’un centimètre environ. Elles sont surtout utiles la nuit, ou quand les conditions météo sont mauvaises. Autrement dit, quand le balisage diurne, c’est-à-dire les marques de peinture au sol, n’est pas visible.
Comment s’opère la maintenance de ce type d’équipement ?
Le rôle de mon équipe, qui comporte une quarantaine de collaborateurs, c’est d’entretenir ces aides visuelles, et cela couvre patrimoine vaste et étendu : 27 000 sources lumineuses, 1 500 panneaux lumineux représentent les équipements terminaux de nos systèmes, ils sont destinés à guider les pilotes en condition de visibilité dégradée. Nous devons répondre à des obligations réglementaires internationales. Cela passe par de la maintenance préventive, en amont des dysfonctionnements, et de la maintenance corrective, pour réparer des dysfonctionnements avérés. Une douzaine de techniciens sont présents en permanence, y compris les jours fériés, pour assurer des interventions urgentes.
Roissy-Charles-De-Gaulle Doublet Sud
De l’extérieur, notre métier pourrait s’apparenter à simplement remplacer des ampoules, mais en réalité, notre savoir-faire est bien plus diversifié que cela. En plus du domaine de l’électrotechnique qui représente 75 % de nos missions, nous avons d’autres compétences techniques indispensables à la réalisation de nos opérations.
L’informatique industrielle et la cybersécurité font partie intégrante de notre quotidien. Nous avons l’obligation de mettre à disposition des contrôleurs aériens en tour de contrôle un état des lieux en temps réel du balisage lumineux. Concrètement, cela se présente sous la forme d’un écran de supervision qui confirme aux contrôleurs aériens que les différents systèmes de balisage lumineux fonctionnent bien, ou leur indique les dysfonctionnements. Depuis cette interface, les contrôleurs peuvent également allumer, ou moduler l’intensité des feux.
Pour rendre ce service, nous nous appuyons sur tout un réseau de câbles, régulateurs de courants, switchs, serveurs, fibre optique… Une infrastructure qui s’étend sur des kilomètres et que nous devons maintenir.
Nous devons avoir des compétences en génie civile. A titre d’exemple, lors d’opérations de remplacement de feu, nous procédons à un carottage de la chaussé aéronautique autour de l’ancien feu afin de le desceller. Puis nous procédons au collage du nouveau feu à l’aide d’une résine de scellement spécifique. Chaque feu est implanté par l’intermédiaire d’un géomètre et fait l’objet d’un calage en site et en azimut au degré près. Cette opération courante dans notre métier est malgré tout extrêmement spécifique. Mais, au-delà de la maintenance, nous avons aussi des activités de développement. Ainsi, nous assistons aussi la maîtrise d’œuvre lors de la création d’une nouvelle voie avion, pour préciser le type d’équipement dont nous avons besoin par exemple.
Nous contribuons aussi au déploiement de nouveaux systèmes. Cela a été le cas il y a 5 ans avec le Runway Status Light System (RWSL), un dispositif novateur que nous avons été les premiers à déployer en Europe, à Paris-Charles de Gaulle. Le RWSL permet de prévenir les incursions sur les pistes, en alertant par l’allumage de feux rouges encastrés dans la chaussée lorsque qu’un avion s’y trouve alors qu’il n’a pas le droit d’y être, suite à une erreur du pilote ou de la tour de contrôle, par exemple.
Aujourd’hui, les deux pistes longues de Paris-Charles de Gaulle sont équipées du RWSL. Rappelons que l’aéroport fonctionne en double piste : les décollages se font sur les deux pistes longues, et les atterrissages sur les pistes courtes. Or, pour rejoindre leur point de parking, les avions qui viennent d’atterrir doivent traverser les pistes longues. Grâce au RWSL, nous évitons donc les risques de conflit au moment de cette traversée.
Actuellement, nous travaillons à expérimenter un système permettant de détecter automatiquement les objets sur les pistes. Nous sommes également partie prenante dans le cadre du déploiement d’un système de détection de drone non-collaboratif.
Piste longue de Paris-Charles de Gaulle équipée du RWSL
Qu’est-ce qui a changé avec la crise ?
Dès la fin du mois de mars 2020, nous avons mis en place un plan de continuité d’activité. Il s’agissait d’activer uniquement les moyens humains indispensables aux opérations vitales et à la garantie de la sécurité aéronautique. Nous avons alors divisé nos effectifs par trois, et nous nous sommes concentrés sur la maintenance réglementaire. Cela veut dire que nous avons arrêté de travailler sur l’optimisation de la robustesse de nos systèmes et sur le développement de nouveaux systèmes.
Actuellement, c’est encore compliqué d’avoir de la visibilité à long terme, mais nous savons que nous devons reprendre notre activité, notamment en ce qui concerne la maintenance préventive, autrement, nous risquons de subir des pannes qui nécessiteront des coûts importants et qui génèreront des pertes d’exploitation.
En tant que riverain de Paris-Charles de Gaulle, j’ai aussi hâte de voir les avions revenir, c’est un véhicule économique important pour la région, et les entreprises de l’industrie aéronautique ont besoin de se remettre au travail !