31/03/22 3 questions à

Une accélération de l’ambition environnementale !

Historiquement engagé pour réduire son impact environnemental en interne, le Groupe ADP, avec sa nouvelle politique environnementale 2022-2025, a l’ambition de participer activement à améliorer la performance environnementale de l’ensemble des parties prenantes des plateformes aéroportuaires. Neutralité, carburants aéronautiques durables, hydrogène, biodiversité… Yannael Billard, responsable du département Environnement-Énergie, nous en dit plus sur cet ambitieux programme.

Après 14 ans dans le conseil en transition, énergie, climat et environnement, Yannael Billard a rejoint le Groupe ADP en 2019. Responsable de l’ensemble des activités énergie et environnement, il supervise une équipe en croissance constante au sein du Groupe.

Quel est le rôle du Groupe ADP dans la transition environnementale ?

Le Groupe ADP a à cœur de mener des actions sur son impact environnemental, en priorité sur son périmètre interne. Nous sommes engagés depuis plusieurs décennies sur les sujets RSE en général, et environnementaux en particulier : la stratégie du Groupe est composée de quatre piliers : environnemental, sociétal, social et gouvernance. Nous continuons de travailler sur la réduction de notre empreinte environnementale en interne : consommer moins d’eau, moins d’énergie, générer moins de déchets, etc.
Aujourd’hui, nous souhaitons renforcer notre ambition et nous engager pour accompagner nos parties prenantes dans leur transition environnementale et les aider notamment à se décarboner plus rapidement. Les compagnies aériennes figurent au premier rang de ces parties prenantes.

Depuis quand êtes-vous engagés sur le sujet ? Et avec quels résultats ?

Depuis 2006, les cycles d’investissement des contrats de régulation économique (CRE) de 5 ans ont permis une amélioration de la performance environnementale de nos activités parisiennes. La crise sanitaire a mis un point d’arrêt à ce système, la politique environnementale 2016-2020 a été prolongée en 2021 et 2022-2025 marque l’arrivée d’une nouvelle feuille de route stratégique pour le Groupe, appelée 2025 PIONEERS.
A l’été 2019, le mouvement flygskam (flight shame) venu de Suède et notamment rendu populaire par Greta Thunberg a été un premier signal fort de la prise en compte par la société civile de l’impératif pour le transport aérien de se décarboner.
Puis la crise sanitaire de la Covid 19 a accentué ce constat, et nous conduit aujourd’hui à porter la conviction que l’avenir et le développement de notre métier passent par une transformation environnementale accélérée, au niveau du Groupe (et donc à l’international également), et en assumant des ambitions environnementales allant au-delà de notre impact direct.

L'avenir et le développement de notre métier passent par une transformation environnementale accélérée.

Quels sont les objectifs du plan 2022-2025 ?

Ce qui est nouveau par rapport à nos politiques environnementales précédentes, c’est que nous intégrons 23 aéroports du Groupe ADP. Nous avons dès le début créé une dynamique commune avec ces aéroports à l’international, complétée par des engagements encore plus poussés pour les trois plateformes parisiennes. Sur notre territoire, nous avons un objectif de neutralité carbone (émissions internes – scopes 1&2) à l’horizon 2025 pour Paris-Orly et 2030 pour Paris-Charles de Gaulle et Paris-Le Bourget, ainsi qu’un objectif zéro émission nette (émissions internes scopes 1&2) à l’horizon 2030 pour Paris-Orly et Paris-Le Bourget et 2035 pour Paris-Charles de Gaulle. Nous avons également pris l’engagement d’être un territoire neutre en carbone à l’horizon 2050, en incluant toutes les émissions de CO2 des plateformes (émissions internes, accès aux plateformes, émissions liées aux activités aériennes au sol, émissions des vols au départ de Paris), ce qui est particulièrement novateur.

23

aéroports du Groupe ADP sont concernés par le plan 2022-2025.

Comment ce plan a-t-il été conçu ?

A l’initiative des fonctions centrales, nous avons lancé début 2021 avec nos aéroports internationaux ( les aéroports de la société TAV, l’aéroport d’Amman de la société AIG, Santiago du Chili, Liège, Zagreb ainsi que Antananarivo et Nosy Be) la charte « Airports for trust » qui fixe quatre axes stratégiques :

  • Zéro impact environnemental dans notre activité interne, dans la continuité de nos plans précédents,
  • Participer activement à la transition environnementale du transport aérien, avec notamment les carburants aéronautiques durables et la préparation d’un écosystème hydrogène prêt à accueillir l’avion à hydrogène pour 2035, mais aussi en contribuant à l’amélioration des opérations (optimisation des circulations par exemple) qui a pour triple conséquence positive la réduction de l’impact carbone, l’amélioration de la qualité de l’air, la réduction du bruit,
  • L’intégration des aéroports dans des systèmes de ressources locales : comment nous allons, avec les territoires, créer des projets d’écologie industrielle et territoriale avec de l’économie circulaire, l’emploi de matériaux ou le partage de réseaux de chaleur, par exemple,
  • Travailler l’empreinte environnementale des projets d’aménagement et de construction sur tout leur cycle de vie, de la conception à l’exploitation.

Nous avons ensuite défini les 15 engagements prioritaires qui découlent de ces 4 axes stratégiques. Nous avons demandé à chaque plateforme de créer sa feuille de route avec un niveau d’ambition adapté à leur contexte particulier sur chacun des engagements. Certains mettent l’accent sur la biodiversité, d’autres sur l’ambition d’avoir un terminal zéro déchet. Et avec une ambition climatique commune à toutes les plateformes pour ce qui concerne les émissions internes.

Que prévoyez-vous pour décarboner le transport aérien ?

C’est un immense sujet. Le Groupe ADP contribue à la réalisation de la feuille de route du secteur aérien en travaillant sur les 4 leviers de décarbonation définis par l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale) : l’amélioration des opérations et des infrastructures; l’efficacité énergétique des aéronefs, le renouvellement des flottes et les technologies de rupture (avions à hydrogène, hybrides, électriques), les carburants aéronautiques durables; et enfin les mesures de marché (dont la compensation des émissions).

Le Groupe a un rôle à jouer sur les améliorations opérationnelles au sol, comme la diminution du temps de roulage, la réduction de l’utilisation des moteurs auxiliaires avec des bénéfices très concrets sur les émissions de CO2, la qualité de l’air locale ou le bruit à l’aéroport. Nous travaillons en concertation avec la navigation aérienne (Direction générale de l’Aviation civile), les compagnies aériennes, et les assistants en escale sur ces sujets.

Avion à hydrogène

Comment allez-vous réunir les conditions d’accès à l’hydrogène et aux carburants aéronautiques durables pour le transport aérien ?

Les autres sujets majeurs sont effectivement le renouvellement des flottes d’aéronefs, les carburants aéronautiques durables – connus sous l’acronyme anglais SAF (Sustainable Aviation Fuel)  et l’arrivée de l’avion à hydrogène à partir de 2035. Entre les carburants aéronautiques durables et l’hydrogène, le process est complètement différent. Pourquoi ? Parce que les SAF sont miscibles, vous pouvez les mélanger avec le kérosène (jusqu’à 50 % d’incorporation à ce jour) et toute la chaîne est certifiée. Toutes nos infrastructures sont prêtes, et aujourd’hui déjà, ils sont de plus en plus utilisés sur des vols de compagnies, notamment sur la plateforme de Paris-Le Bourget sur laquelle une alimentation continue en SAF a été mise en place depuis juin 2021.

L’hydrogène en revanche ne se mélange pas avec le kérosène, ce qui signifie que nous devons disposer d’un schéma complètement distinct hydrogène d’une part, et kérosène/SAF d’autre part. Le cas de l’hydrogène relève d’une logique industrielle : il faut créer des usines de liquéfaction, les circuits de distribution, d’avitaillement des avions en hydrogène liquide. C’est très complexe. Cela fait un an que nous travaillons avec Air Liquide et Airbus sur ce sujet. Nous avons fait des études de préfaisabilité très intéressantes. C’est aujourd’hui qu’il faut agir pour que l’aéroport devienne un hub hydrogène pour alimenter les avions, à l’horizon 2035.

Comment allez-vous faire face au coût élevé des carburants aéronautiques durables ?

Pour les SAF, les compagnies qui achètent leur carburant ont la liberté d’absorber elles-mêmes le surcoût financier ou non. Air France par exemple vient d’annoncer reporter le coût du mandat d’incorporation de carburants aéronautiques durables sur ses billets d’avion.

Pour l’hydrogène, c’est différent, car nous aurons besoin de définir le meilleur modèle économique pour financer ces infrastructures; cela peut notamment passer par une inscription des investissements correspondants dans les futurs contrats de régulation. Ce sont des sujets à planifier avec notre principal actionnaire, à savoir l’État, avec l’autorité de régulation des transports, et, bien évidemment, avec les compagnies.

C’est aujourd’hui qu’il faut agir pour que l’aéroport devienne un hub hydrogène pour alimenter les avions, à l'horizon 2035.

Pouvez-vous nous parler du budget carbone ?

Le Groupe ADP s’inscrit dans la Stratégie nationale bas carbone, avec l’ambition climatique d’être à zéro émission nette de CO2 (émissions internes – scopes 1&2 ; sans compensation) à l’horizon 2030 pour Paris-Orly et Paris-Le Bourget et 2035 pour Paris-Charles de Gaulle. Pour respecter l’ambition climatique définie dans l’Accords de Paris, il est nécessaire de décarboner très rapidement notre économie; sinon le CO2 se stocke dans l’atmosphère. Cela renvoie à la notion de   budget carbone par secteur d’activité, limite supérieure des émissions cumulées de dioxyde de carbone qui permettent de rester en-dessous d’une température mondiale donnée.

Dans le cadre de sa feuille de route stratégique 2025 PIONEERS, le Groupe ADP a pris l’engagement d’appliquer ce budget carbone à tous ses projets d’investissement de plus de 5 millions d’euros, à compter de 2025. Nous sommes actuellement en phase de construction de la méthodologie associée. Nous allons travailler sur des budgets carbone en cycle de vie, de sorte qu’il est nécessaire d’investir plus sur des matériaux bas carbone, de bons isolants, pour qu’in fine les projets consomment moins et soient plus sobres énergétiquement. C’est un vrai levier pour réduire le CO2 en cycle de vie sur tous les projets d’investissement.

Que prévoyez-vous pour préserver la biodiversité ?

Nous avons déjà annoncé  dans notre nouveau plan stratégique que nous allions sanctuariser des surfaces réservées à la biodiversité. Ce n’est pas du tout anodin quand on est à la convergence entre des développements immobiliers, des développements aéronautiques et la préservation de la biodiversité. Ces espaces sanctuarisés représentent 30 % de surfaces à Paris-Le Bourget et à Paris-Orly, et 25 % à Paris-Charles de Gaulle.

30 %

des surfaces à l’aéroport du Bourget et à l’aéroport Paris-Orly seront sanctuarisées pour préserver la biodiversité.

25 %

des surfaces à l’aéroport Paris-Charles de Gaulle seront sanctuarisées pour préserver la biodiversité.

Arnaud Galupeau pour le Groupe ADP

Pouvez-vous nous parler des objectifs du zéro imperméabilisation et zéro artificialisation nettes sur vos plateformes aéroportuaires ?

L’objectif « zéro artificialisation nette », défini par la loi climat et résilience, c’est de ne plus avoir aucune perte de sols agricoles, naturels, ou forestiers : il s’agit de limiter autant que possible la consommation de nouveaux espaces et, lorsque c’est impossible, de « rendre à la nature » l’équivalent des superficies consommées. Le Groupe ADP suit de près les décrets d’application à venir de la loi climat et résilience, de sorte à être en mesure de définir rapidement une ambition et une stratégie zéro artificialisation nette dès que le cadre réglementaire en sera entièrement défini.

L’objectif « zéro imperméabilisation » implique de ne plus revêtir des sols avec un matériau ne laissant pas s’infiltrer l’eau. L’idée, c’est de repenser notre manière d’aménager les surfaces. Notre fil conducteur, c’est de densifier les infrastructures, de construire de façon flexible et modulaire pour limiter au maximum l’étalement urbain. Il s’agit de construire pour être au juste dimensionnement, d’éviter de construire trop tôt ou en trop grande quantité, que l’on soit plutôt sur un aménagement en vertical plutôt qu’en horizontal, pour limiter l’emprise sur le foncier…

Par quelles actions concrètes ces objectifs vont-ils se traduire sur les différentes plateformes ?

Cela se traduira donc par une manière d’aménager différente. Par ailleurs, nous devons développer l’intermodalité, à savoir faire de nos aéroports des hubs multimodaux qui combinent les modes de transport pour un trajet plus fluide et bas carbone (plus vertueux) du domicile à la destination. Les moyens : le renforcement des liaisons fer-air, notamment avec la gare de Paris-Charles de Gaulle, qui va devenir une des gares parisiennes les plus importantes, les nouvelles lignes de transport en commun (lignes 17 à CDG, lignes 14 et 18 à Orly) mais aussi le développement des modes actifs via les pistes cyclables par exemple.

Si les salariés ou les passagers privilégient les transports en commun pour venir à l’aéroport, cela réduit la place de la voiture individuelle, évite de multiplier les réseaux routiers, et cela libère du foncier. Cela évite aussi des problématiques d’imperméabilisation. En conclusion, c’est en repensant l’accès aux plateformes et la philosophie d’aménagement que nous allons pouvoir aller vers la renaturation.

Nous devons développer l’intermodalité.

Quels aspects du plan 2022-2025 concernent plus particulièrement les riverains ?

Toutes les actions que l’on mène contribuent à améliorer la qualité de l’air, et concernent donc les riverains : le déploiement des bornes de recharge pour les véhicules électriques, la substitution des moteurs auxiliaires de puissance lorsque les avions sont à leur point de stationnement, le projet de taxibot (tractage des avions moteurs éteints pour le roulage), etc. Sur la problématique du bruit, il y a un sujet nouveau, qui converge par ailleurs avec les intérêts climatiques, à savoir la mise en place des descentes continues. Usuellement, un avion descend par palier ce qui nécessite des remises de gaz et donc du bruit et une augmentation de la consommation de carburant. Avec les descentes continues, il y a moins de remises de gaz, donc moins de bruit, moins de CO2, moins de polluants. Cela nécessite néanmoins un gros travail de fond avec la navigation aérienne et les compagnies. Nous sommes en phase test et souhaitons les généraliser entre 2023 et 2025 à Paris-Orly et Paris-Charles de Gaulle.

Quels sont engagements les plus forts de ce plan ?

Quand on dit territoire neutre en carbone en 2050, on entend par là que nous devons être en capacité d’être neutre en carbone au sol, et également pour tous les vols au départ de Paris-Orly et Paris-Charles de Gaulle. Pour y parvenir, nous pourrons nous appuyer sur les carburants aéronautiques durables, sur l’hydrogène, sur les mobilités décarbonées, tel que prévu dans la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC). A Paris-Orly, on ambitionne d’avoir un territoire neutre en carbone au sol dès 2030. Cet engagement climatique est inédit dans le secteur.

Quels seront vos plus grands défis ?

Les défis vont être à la fois technologiques, car nous avons besoin de technologies innovantes, voire de rupture (avion à hydrogène, hybride, électrique), économiques (besoin de définir de nouveaux modèles économiques, par exemple pour l’incorporation des carburants aéronautiques durables) mais aussi réglementaires. La réglementation évolue très vite, elle est parfois un soutien, parfois un défi, car elle peut être complexe à mettre en place.

Nous avons donc besoin d’anticipation des réglementations, avec un rationnel économique. Pour nous accompagner dans la transition, nous participons à des appels à projets nationaux ou européens ou bénéficions d’une politique de soutien des pouvoirs publics. C’est pourquoi nous discutons régulièrement d’accompagnement de la filière pour que la transition environnementale se fasse le plus vite possible.

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