La mobilité des salariés est un sujet de plus en plus stratégique pour les entreprises, les mobilités durables ayant un impact sur la performance économique, sociale et environnementale et l’attractivité professionnelle. Concilier mobilité et développement durable devient en effet primordial, mais le recours aux mobilités douces nécessite des changements d’usages. Nous vous proposons d’en savoir plus sur la stratégie et les enjeux pour le Groupe ADP quant à la transformation des aéroports franciliens en hub intermodal. Un plan d’actions centré sur les mobilités du quotidien (salariés, voyageurs du quotidien) a été mis en œuvre il y a un peu plus d’un an. Renaud Morel, directeur de l’Aménagement, du Développement durable, des Affaires publiques et des Mobilités, nous a accordé un entretien.
Pourquoi le sujet mobilité est-il si important pour le Groupe ADP ?
Ce sujet est central pour réduire l’empreinte environnementale de nos plateformes, l’accès aux plateformes étant à l’origine de 40 % de nos émissions directes de carbone. Le sujet des mobilités et des conditions d’accès à nos aéroports est central tant pour les passagers aériens que pour les personnels de la communauté aéroportuaire. L’arrivée des lignes 14 avant les Jeux Olympiques de Paris et 18 (2027) du Grand Paris Express à Paris-Orly, du TER Roissy Picardie (2026), du CDG Express (2027) et de la ligne 17 (2030) à Paris-Charles de Gaulle vont renforcer nos aéroports comme des pôles de connectivité majeurs au sein de la région Île-de-France. L’aéroport n’est pas seulement un lieu de travail, c’est aussi un lieu où l’on vient chercher une offre de transport parce que dans nos territoires d’influence, l’aéroport est le principal pôle d’intermodalité.
Dans les années qui viennent, nous allons être amenés à accueillir de plus en plus les voyageurs du quotidien, c’est-à-dire des personnes qui viennent à l’aéroport non pas pour travailler ou prendre un avion, mais pour prendre une offre de transport qui leur permet d’accéder à l’emploi. Cette problématique est au cœur de l’engagement du Groupe ADP en termes de responsabilité sociale et environnementale. En travaillant sur les mobilités, en réduisant la part du véhicule individuel et en cherchant à renforcer les transports collectifs, routiers ou ferrés, on permet une meilleure accessibilité et donc une meilleure attractivité pour nos plateformes. Nos territoires environnants et leurs habitants peuvent ainsi en bénéficier.
En Île-de-France, 40 % des Franciliens parcourent moins de 5 km pour se rendre au travail. Le potentiel de report modal est-il prometteur ?
Oui, les perspectives de report modal sont très importantes en Île-de-France. L’élément déclencheur, c’est l’offre de transport collectif ferré proposée et en ce sens, l’arrivée des lignes du Grand Paris Express va changer diamétralement l’aménagement du territoire francilien. Il ne faut pas oublier que c’est le plus important projet de création de transport collectif ferroviaire à l’échelle de l’Europe, voire mondiale. À Paris-Orly, aéroport très urbanisé, on a un potentiel de salariés qui habitent très près. Avec l’arrivée des lignes 14 et 18, on aura certainement un report modal assez important. En 2030, 6 000 salariés de la communauté aéroportuaire de Paris-Orly seront éligibles au vélo (contre 1 600 actuellement), 4 700 à Paris-Charles de Gaulle mais sur la plateforme nord-francilienne, les salariés habitent beaucoup plus loin de l’aéroport : le territoire est beaucoup moins urbanisé et de nombreuses personnes habitent dans les Hauts-de-France.
40 %
des Franciliens parcourent moins de 5 km pour se rendre au travail
Repenser les mobilités de manière durable, c’est un travail collectif ?
Tout à fait, ce travail ne peut pas être un acte unilatéral du Groupe ADP. Île-de-France Mobilités (IDFM) est très engagé effectivement pour accompagner le report modal. La région Île-de-France est particulièrement motrice et financeur dans le développement d’infrastructures sécurisées dédiées au vélo, tout comme l’État qui a lancé un grand plan vélo en septembre 2022. En outre, des subventions sont allouées pour inciter les entreprises à favoriser le recours aux mobilités douces en aménageant l’espace urbain et en favorisant l’intermodalité à l’échelle régionale. Le schéma directeur des pistes cyclables sur nos plateformes est complètement coordonné avec les propres schémas et ambitions des collectivités territoriales.
En quoi consiste précisément le plan d’actions mis en place en juillet 2022 ?
Le premier axe consiste à accompagner l’électrification du parc automobile côté ville dans nos aéroports. L’ambition est d’avoir 6 000 bornes de recharge de véhicules électriques à l’horizon 2030 contre 160 actuellement. Deuxième volet, l’encouragement au télétravail pour les collaborateurs éligibles, qui permettra de réduire la demande de transport et les émissions de CO2. Nous estimons la diminution de ces émissions carbone à 100 Ktonnes d’ici 2050, échéance à laquelle le Groupe ADP doit atteindre la neutralité carbone. Le troisième axe de ce plan porte sur le covoiturage : nous espérons créer et mettre à disposition des aires de covoiturage avec l’objectif d’augmenter le taux d’occupation des véhicules. Cde travail ne peut être conduit seul et nous y associons les collectivités territoriales et IDFM. Pour l’instant, seuls 2 % des personnels de la communauté aéroportuaire de Paris-Charles de Gaulle et de Paris-Orly covoiturent, soit 1,02 voyageurs par véhicule. L’objectif est d’atteindre 6 % en 2030, ce qui permettrait d’économiser 55 Ktonnes de CO2. Dernier volet, le développement des infrastructures cyclables à l’intérieur de nos plateformes et pour les relier. On peut atteindre 9 000 collaborateurs cyclistes à l’horizon 2030 au lieu de 600 actuellement. Un plan vélo est d’ores et déjà en oeuvre à Paris-CDG comme à Paris-Orly, où le potentiel de report modal sur le vélo est le plus intéressant, pour inciter les personnes habitant dans un rayon de 10 à 20 km à opter pour le 2 roues.
9 000
collaborateurs cyclistes à l'horizon 2030
Le vélo, c’est une stratégie globale ?
Absolument. Pour pousser les salariés à changer de mode de déplacement, il ne faut pas uniquement réaliser des infrastructures telles que des pistes cyclables. Il faut penser aux services associés : douches, atelier de réparation, sécurisation des vélos, accompagnement et soutien financier de l’entreprise. Nous espérons mettre à disposition une flotte de vélos électriques en libre-service dès fin 2024 à Paris-Orly, en 2025 à Paris-Charles de Gaulle et 2026 à Paris-Le Bourget pour l’ensemble des personnels de la communauté aéroportuaire. Soit une dizaine d’aires dédiées sur chaque aéroport.
La sobriété et la durabilité des déplacements est indispensable pour réduire notre empreinte environnementale.
Directeur de l'Aménagement, du Développement durable, des Affaires publiques et des Mobilités
Gare TGV de Roissy Terminal 2, Paris-Charles de Gaulle
La mobilité des passagers aériens est-elle stratégique pour le Groupe ADP ?
La mutation du trafic aérien, avec la limitation des vols court-courrier de moins de deux heures trente en concurrence avec une offre ferroviaire à grand vitesse, déjà imposée en France, mais qui pourrait être étendue en Europe, se traduit par le remplacement de vols par des lignes ferroviaires à grande vitesse. Le Groupe ADP souhaite accompagner l’intermodalité, en être le catalyseur et le pivot. Opposer l’avion et le train n’a plus de sens aujourd’hui. Le développement de l’intermodalité fer/air peut et doit être un relais de croissance et de création de valeur pour notre entreprise en élargissant notre zone de chalandise et en captant de nouveaux passagers. Nous travaillons étroitement avec la SNCF, Air France et les autres compagnies aériennes et sociétés ferroviaires pour renforcer la complémentarité fer-air. L’intermodalité est inhérente au sujet de la mobilité !