21/01/21 Actualités culturelles

Connaissez-vous l’histoire de notre territoire ?

À Athis-Mons, non loin de Paris-Orly, la Maison de Banlieue et de l’Architecture est une invitation à la découverte de l’environnement urbain des alentours. À sa tête, Béatrix Goeneutte. Cette passionnée nous fait entrer dans les coulisses de cet établissement unique.

Maison de Banlieue et de l'Architecture

Maison de Banlieue et de l'Architecture

Saviez-vous que pendant la dernière phase du Paléolithique, le Magdalénien, des troupeaux de rennes parcouraient ce qui est aujourd’hui la banlieue de l’Essonne, et ressemblait alors à la toundra ? Ou bien que le mot corbillard venait de la ville de Corbeilles-Essonne ? Au 18è siècle, les bateaux qui servaient alors à transporter de la farine ont en effet servi à évacuer des corps, à l’issue d’une grave épidémie…

Tout cela, vous pourriez l’apprendre à l’occasion d’une visite à la Maison de Banlieue et de l’Architecture, à Athis-Mons. Depuis 1999, ce « centre d’interprétation » sensibilise les publics à l’environnement urbain, au patrimoine et à l’architecture en banlieue. L’histoire de cette structure unique – il n’en existe pas d’autres dans le monde – a débuté à la fin des années 1980 quand François Petit, son premier directeur, s’est fait la réflexion que le patrimoine de banlieue existait bel et bien, et qu’il y avait des choses à en dire… Aujourd’hui, la Maison de Banlieue et de l’Architecture accueille plus d’un millier de visiteurs chaque année.

La Maison de Banlieue et de l’Architecture, qu’est-ce que c’est ?

Béatrix Goeneutte : C’est un lieu qui ambitionne de connaître et de faire connaître la banlieue, dans ses aspects historiques et géographiques, mais aussi en faisant le lien avec des projets d’urbanisme et d’architecture, d’aujourd’hui et de demain.

Nous avons coutume de dire que notre collection, c’est le territoire

Nous sommes un centre d’interprétation, cela veut dire que nous ne disposons pas d’une collection permanente, comme c’est le cas des musées. Chaque année, nous explorons une grande thématique, et nous programmons des conférences, parfois des projections, et très souvent des balades urbaines. Ces promenades sont menées par un guide et nous essayons d’en faire un véritable échange avec les participants.

150 à 200

balades urbaines sont organisées chaque année par la Maison de Banlieue et de l’Architecture

Si le thème s’y prête, nous pouvons aussi créer des expositions itinérantes, que nous prêtons à des établissements scolaires, culturels ou sociaux. Chaque exposition se clôt avec la publication d’un cahier qui rassemble connaissances et points de vue.

Public attentif lors d’une balade urbaine (crédit photo : Maison de Banlieue et de l’Architecture)

Quels sont les thèmes abordés dans vos expositions ?

En 2019, nous avons monté une exposition sur les grands ensembles, qui abordait leur l’histoire et leur actualité dans l’Essonne et sur le territoire du Grand Orly Sainte-Bièvre. C’est un thème important pour la Maison de Banlieue et de l’Architecture : le grand ensemble est une icône de la banlieue.

Les grands ensembles sont des aménagements typiques du paysage français, du milieu des années 1950, au milieu des années 1970. Inspirés des préceptes de l’architecture moderne, les grands ensembles se reconnaissent à leurs barres et leurs tours, qui abritent de nombreux logements collectifs.

Nous avons donc organisé des visites de quartiers de grands ensembles. Par exemple, celui du Noyer Renard, à Athis-Mons, dans l’Essonne, qui a la particularité d’avoir été complètement réhabilité. Toujours dans l’Essonne, nous avons également proposé des balades au Grand Vaux, à Savigny-sur-Orge, dont la réhabilitation va bientôt commencer, et à la Grande Borne, à Grigny, un ensemble édifié par l’architecte Emile Aillaud, connu pour son intérêt pour les logements sociaux.

La rue du Labyrinthe, au sein de la Grande Borne, à Grigny dans l’Essonne

Le pavillon est une autre icône de la banlieue. En 2015, nous avons proposé une exposition intitulée le grand pari des petites maisons, elle aussi associée à une publication. Cela a été l’occasion de balades dans la cité-jardin de Paris-Jardin, à Draveil, dans l’Essonne, mais aussi d’une randonnée urbaine de près de 12 km : une journée pour visiter les lotissements de l’entre-deux-guerres d’Athis-Mons, ou encore la cité de l’air, près d’Orly, une zone pavillonnaire à l’américaine.

La cité-jardin de Draveil, par GFreihalter sur Wikimedia (licence SA-BY 3.0). La cité-jardin est une manière de penser la ville, théorisée par l’urbaniste britannique Ebenezer Howard en 1898. En France, cela désigne souvent un ensemble de logements sociaux individuels ou collectifs locatifs avec aménagement paysager et jardin autour de l’habitat.

 

Quel est votre plus beau souvenir d’exposition ?

Il y en a beaucoup. C’est peut-être en 2007, lors de la première randonnée urbaine de la Maison de Banlieue et de l’Architecture : un parcours de près de 14 kilomètres sur le thème des jardins, lors duquel nous étions accompagnés par un acousticien qui mesurait le bruit. À 1h30 de la fin de la randonnée, une pluie diluvienne nous est tombée dessus. Nous avions déjà parcouru près de 10 kilomètres, alors j’ai proposé au groupe de rentrer… Mais les participants ont insisté pour terminer le parcours, malgré la fatigue et la pluie !

L’aéroport de Paris-Orly occupe une place importante sur le territoire. Comment l’évoquez-vous ?

Paris-Orly est effectivement très présent : difficile de se balader sans passer à proximité. Nous l’évoquons régulièrement. En 2018, il faisait d’ailleurs partie intégrante de l’exposition La Banlieue à toute vitesse.

Exposition La Banlieue à toute vitesse (crédit photo : Maison de Banlieue et de l’Architecture)

L’aéroport participe à la structure urbaine du territoire. D’abord, c’est une frontière entre l’Essonne et le Val-de-Marne. Ensuite, c’est un endroit où la densité de construction est assez faible, ce qui est notable en termes de paysage. Il représente également une architecture et des décors riches et intéressants.

Paris-Orly a aussi fortement impacté l’histoire des villes sur lesquelles il s’est implanté. Je pense par exemple à Paray-Vieille-Poste qui a été expropriée de deux tiers de son territoire lors de la création de l’aéroport.

Vue aérienne de Paris-Orly, par Muhammad ECTOR Prasetyo sur Wikimedia (licence BY-SA 2.0)

Et puis, Paris-Orly a entraîné la création d’infrastructuresP, comme la ligne de RER et bientôt le métro. C’est enfin un pôle économique essentiel pour la région et les villes environnantes, puisque beaucoup de gens y travaillent.

Comment vous adaptez-vous à la crise sanitaire ?

Nous expérimentons. Lors du premier confinement, en mars 2020, nous avons imaginé des bulles culturelles : des publications numériques qui explorent différentes thématiques autour de la Seine. Un format que nous reproduisons pour le deuxième confinement d’octobre, avec une nouvelle série de bulles, sur des thèmes cette fois un peu plus larges, comme la banlieue à l’américaine, ou la découverte de l’histoire des ouvriers italiens travaillant dans les carrières, à Grigny.

Autre initiative, des rendez-vous culturels et confinés : la série des Jeu’cultive ma banlieue, des jeux et des quiz pour tester ses connaissances.

Enfin, nous travaillons à la préparation de notre exposition 2021 qui évoquera la production alimentaire d’hier et d’aujourd’hui. Et, puisque notre exposition 2020, Banlieue sur Seine, n’a pas pu recevoir tout le public que nous espérions, nous l’avons redessinée sur un modèle itinérant, pour la partager dans plusieurs établissements en 2021.

Quel est le profil de vos visiteurs ?

Notre particularité, c’est que nous accueillons beaucoup de jeune public : les enfants représentent plus de 50% de notre fréquentation.

1 500

enfants visitent la Maison de Banlieue et de l’Architecture chaque année

Pour beaucoup, cela s’inscrit dans le cadre scolaire, car nous travaillons beaucoup avec des écoles, mais pas uniquement. Nous menons une action systématique avec tous les CM1 d’Athis-Mons, Juvisy-sur-Orge et Paray-Vieille-Poste, dans l’Essonne, pour leur faire visiter et découvrir leur ville et leur histoire. Nous montons également des parcours thématiques avec les enseignants.

Une classe de CM1 en plein tour de ville (crédit photo : Maison de Banlieue et de l’Architecture)

Nous menons aussi une action particulière vers les publics dits sociaux, comme par exemple les personnes en cours d’apprentissage de la langue française. Pour cela, nous travaillons avec des associations, et surtout avec le réseau linguistique du Grand-Orly Sainte Bièvre.

Et puis, il y a aussi ce que, dans le secteur de la culture, nous appelons le tout public : un grand ensemble de publics volontaires, qui viennent… parce qu’ils ont envie de venir !

De manière générale, notre public est très régional : environ un tiers vient des communes locales, un autre tiers du département de l’Essonne et un dernier tiers de l’Ile-de-France.

1 400

visiteurs ont parcouru l’exposition 2019, sur les grands ensembles

Que diriez-vous pour donner envie aux visiteurs de découvrir vos expositions ?

La Maison de Banlieue et de l’Architecture, l’essayer, c’est l’adopter ! Il faut se laisser la surprise. C’est important que les habitants de la banlieue découvrent et se réapproprient leur lieu de vie. La banlieue, ce n’est pas une nappe de béton coulée en continu depuis 100 ans, c’est un endroit qui a une histoire.

On a tous le droit d’être fier du lieu où nous habitons

C’est également intéressant pour les personnes qui ne vivent pas en banlieue. Cette dernière souffre de clichés négatifs, et une visite à la Maison de Banlieue et de l’Architecture peut changer les regards, en montrant aussi ses qualités.

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