08/09/21

Rencontre avec Audrey Colnat directrice de l’association CLE (Compter Lire Écrire)

Nous vous l'avons annoncé en début de semaine que dans le cadre des Journées Nationales d’Action contre l’Illettrisme 2021, nous vous ferions découvrir des témoignages des associations partenaires. Aujourd'hui, nous vous proposons de rencontrer Audrey Colnat directrice de l’association CLE (Compter Lire Écrire) soutenue par la Fondation du Groupe ADP.

L’association CLE propose un accompagnement en binôme pour réapprendre les savoir fondamentaux

L’association CLE propose un accompagnement en binôme pour réapprendre les savoir fondamentaux

Journées Nationales d’Action contre l’Illettrisme 2021

Détecter les situations d’illettrisme et créer des relations de confiance, défis quotidiens de l’association CLE. L’association agit contre l’illettrisme depuis déjà 24 ans. Sa présence au quotidien auprès de personnes fragilisées est aussi importante aujourd’hui qu’hier, comme nous l’explique Audrey Colnat, directrice de l’association soutenue par la Fondation du Groupe ADP.

Pouvez-vous nous présenter l’association CLE ?

Audrey Colnat : CLE a été créé en 1997, à l’initiative de la mairie d’Ermont qui ne trouvait pas de solution pour les personnes en situation d’illettrisme sur le territoire. Encore aujourd’hui, les besoins sont très importants. Notre mission est de lever les difficultés de lecture, d’écriture et de calcul que peut éprouver toute personne francophone scolarisée au moins cinq ans, dans sa vie de tous les jours. Depuis quelques années, nous avons aussi ajouté l’illectronisme aux sujets sur lesquels nous intervenons. Tout le monde ne sait pas utiliser les outils numériques, contrairement à ce que l’on pourrait croire.

Quel est le profil des personnes que vous accompagnez au quotidien ?

 A. C. : Bien qu’il y ait plus d’hommes en situation d’illettrisme en France, nos bénéficiaires sont en majorité des femmes. Ceux qui suivent nos cours ont 45 ans en moyenne, même si nous accueillons aussi des personnes plus jeunes ou moins jeunes, comme des retraités.

Les hommes et les jeunes ont beaucoup de mal à admettre leurs difficultés. Nous avons ainsi des jeunes qui utilisent très bien les réseaux sociaux, mais qui sont perdus dès qu’il faut effectuer une démarche en ligne ou remplir un dossier manuscrit. Nous avons par exemple sensibilisé les acteurs locaux aux techniques de contournement développées par les personnes en situation d’illettrisme, pour les aider à mieux les identifier et les diriger vers nous.

Vous parlez de techniques de contournement, pouvez-vous nous donner quelques exemples ?

A. C. : Les personnes en situation d’illettrisme développent des stratagèmes pour cacher leurs difficultés. Certains apprennent par exemple par cœur les champs à remplir systématiquement sur les fiches administratives, d’autres sortent leur carte d’identité pour recopier leur adresse en lettres bâtons, d’autres encore prétendent avoir oublié leurs lunettes ou prétextent un mal de tête qui les empêchent d’écrire dans l’instant.

Comment se déroule votre accompagnement ?

A. C. : L’accompagnement des bénéficiaires est réalisé par des bénévoles que nous formons. Il dure en moyenne entre 18 et 24 mois. Notre objectif est de leur faire réapprendre les compétences de base (compter, lire, écrire) en cherchant à les rendre autonomes.
Comme les personnes qui viennent nous voir possèdent un niveau trop fragile pour suivre une formation intensive et collective, nos cours se font toujours en binôme : un apprenant et un formateur en face à face. C’est important parce qu’il y a autant de formes d’illettrisme que d’illettrés. Cela va de la personne qui ne connaît pas bien l’alphabet à celle qui sait lire, mais qui ne comprend pas ce qu’elle déchiffre. Il faut savoir que 39 % des élèves de troisième dans le Val-d’Oise ne comprennent pas ce qu’ils lisent ! L’important est d’apporter une réponse adaptée à chacun. On est vraiment dans l’individualisation, d’autant plus essentielle que nous faisons face à des personnes abîmées par la vie.

Les apprenants viennent-ils naturellement chez vous ?

A. C. : Non. Notre principal enjeu est de les repérer et de les mettre suffisamment en confiance pour qu’ils acceptent de se faire aider. C’est un travail de fond. Il s’agit de personnes très fragilisées dans leur image d’eux-mêmes, persuadées qu’elles ne s’en sortiront jamais. Quand elles passent notre porte, nous prenons le temps d’un premier rendez-vous pour mieux les comprendre. Leur histoire compte autant que leur situation face à l’écriture ou au calcul. Ensuite seulement, on construit avec eux un contrat de formation. Et leur objectif devient le nôtre : ce peut être évoluer professionnellement, se former, accompagner un enfant dans sa scolarité… Parfois, quand ils ont atteint leur premier objectif, ils en visent un autre, qui les emmène encore plus loin.

 

Combien votre association compte-t-elle de personnes ?

A. C. : Nous sommes quatre permanents pour gérer l’ensemble, avec des renforts ponctuels. C’est énormément de travail. En plus de cela, nous comptons environ 120 bénévoles actifs, tous formés par nos soins. Ce sont essentiellement de jeunes retraités, mais nous avons aussi de plus en plus de personnes encore actives, qui proposent leurs services le week-end ou le soir. La transmission est quelque chose qui leur tient à cœur et ils s’engagent en ce sens. Nous leur demandons d’être disponibles au minimum deux heures par semaine, mais certains viennent tous les jours !
Cette année, nous avons aussi initié quelque chose de nouveau : du tutorat avec des salariés du Groupe ADP. Ils ont suivi certains de nos apprenants pour enrichir leur culture générale, leur ouverture au monde. Leurs échanges étaient plus informels qu’avec leurs formateurs, et tout le monde a apprécié l’expérience.

Quel dispositif avez-vous mis en place lors des Journées Nationales d’Action contre l’Illettrisme ?

A. C. : C’est une période très importante pour l’association. Nous participons à de nombreux forums sur notre territoire d’action pour aller à la rencontre de nos futurs bénévoles. Plus ils sont nombreux, plus nous pouvons accompagner de personnes. Nous allons aussi mener plusieurs actions : des journées auprès de Pôle Emploi pour sensibiliser les entreprises et changer leur regard, un ciné-débat sur l’illettrisme, des actions en médiathèque, des portes ouvertes dans nos nouveaux locaux… C’est un peu une semaine marathon.
D’autant que l’édition 2021 des JNAI est spéciale pour CLE. Deux de nos apprenants, Solène et Vincent, ont été pris en photo pour la campagne nationale d’affichage des Journées Nationales d’Actions contre l’Illettrisme. C’est une grande fierté pour eux de montrer combien ils ont avancé dans leur parcours.

 

D’autant que l’édition 2021 des JNAI est spéciale pour CLE. Deux de nos apprenants, Solène et Vincent, ont été pris en photo pour la campagne nationale d’affichage des Journées Nationales d’Actions contre l’Illettrisme. C’est une grande fierté pour eux de montrer combien ils ont avancé dans leur parcours.

Audrey Colnat

Directrice de l’association CLE

Comment se manifeste le soutien de la fondation du Groupe ADP pour votre action ?

A. C. : Nous avons une convention sur trois ans. Cela a permis de financer une partie de notre CLE-mobile. C’est un utilitaire aménagé en deux bureaux, à la fois pour recevoir des apprenants et pour effectuer des accompagnements d’aide à la rédaction, à la manière d’un service d’écrivain public itinérant. Ce camion nous permet d’aller à la rencontre des populations dans les quartiers prioritaires. Le camion revient de semaine en semaine aux mêmes endroits, ce qui aide pour que la confiance s’installe progressivement. Souvent, d’ailleurs, les premières rencontres portent sur des sujets totalement anodins, en dehors du sujet de nos formations. Et puis ils finissent par accepter de dévoiler leurs parcours, leurs difficultés… et on peut enfin commencer à les accompagner.

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