30/03/21 3 questions à

Comment est piloté l’aéroport Paris-Orly ?

Riche d’une histoire de plus de six décennies et mobilisant pas moins de 30 000 personnes dans les conditions normales de trafic aérien, l’aéroport Paris-Orly se transforme pour s’adapter à la crise économique et sanitaire, dans un esprit de collaboration, de flexibilité et avec une attention particulière accordée à la riveraineté. Rencontre avec sa directrice, Justine Coutard.

Justine Coutard a pris ses fonctions de directrice de Paris-Orly en octobre 2020. Elle n’est pas nouvelle au sein du Groupe ADP, puisque qu’elle y avait déjà travaillé entre 2015 et 2017, avant de devenir la directrice de cabinet de Gérald Darmanin, alors ministre de l’Action et des Comptes publics.

Considérant davantage Paris-Orly comme une communauté aéroportuaire qu’un aéroport, elle conçoit son rôle comme étant en lien étroit avec les 60 communes et les 1,2 millions de riverains qui font partie de l’écosystème territorial immédiat de la plateforme.

Comment pilote-t-on un aéroport de l’envergure de Paris-Orly au quotidien ?

Avant tout en s’appuyant sur une équipe !

C’est une dimension centrale. J’ai la chance de pouvoir compter sur une équipe extrêmement solide, incluant de grands professionnels du secteur aéroportuaire, et sur toute une communauté composée de nos clients et partenaires. Je suis très attachée à ce mode de fonctionnement collectif : la direction d’un aéroport, ce n’est pas un pilotage individuel et isolé, et fort heureusement.

« La direction d’un aéroport, ce n’est pas un pilotage individuel et isolé. »

Depuis la construction du bâtiment Orly-3, le bâtiment de jonction qui a permis de réunir nos installations en un terminal unique, nous avons adopté une organisation qui s’adapte à cette réalité structurelle. Nous disposons d’équipes organisées par process, mais capables de traiter de manière homogène et unique l’intégralité des installations. Cette organisation très intégrée nous permet d’avoir une action rapide, homogène et cohérente au quotidien.

Vue de la piste 3 de l’aéroport Paris-Orly

Vous avez pris vos fonctions en pleine crise sanitaire et économique : comment l’aéroport de Paris-Orly fait-il face ?

Effectivement, je suis arrivée à la veille du deuxième confinement, donc j’ai tout de suite été plongée au cœur de la crise sanitaire et économique.

Avant cela avait eu lieu la fermeture historique de l’aéroport en 2020, un grand traumatisme pour toutes les équipes, et un véritable crève-cœur. Pour autant, l’aéroport n’a jamais été fermé en totalité : il a été fermé au trafic commercial, mais les pistes ont continué de fonctionner, et notamment parce que Paris-Orly a été le pivot de l’opération « Résilience » qui a permis tous les vols de rapatriement sanitaire et les évacuations de malades de la Covid-19 vers des hôpitaux situés en région.

Aujourd’hui, l’aéroport a rouvert mais la crise se poursuit. Nous sommes désormais contraints d’avoir une gestion au jour le jour de notre activité.

En tant que gestionnaire d’infrastructures, nous devons avoir cette capacité à nous projeter, à envisager des investissements à court, moyen et long terme. La très grande difficulté de cette crise, c’est que nous sommes ramenés à un horizon beaucoup plus bref, avec une visibilité extrêmement réduite. Ce qui caractérise mon quotidien en ce moment, c’est vraiment l’effort d’adaptation au jour le jour à l’évolution du trafic, aux nouvelles contraintes sanitaires et aux stratégies des compagnies, qui, elles aussi, font face à ces multiples contraintes.

« La très grande difficulté de cette crise, c’est que nous sommes ramenés à un horizon beaucoup plus bref, avec une visibilité extrêmement réduite. »

Pour répondre à ces enjeux, j’organise des points très réguliers avec l’ingénierie d’exploitation, en charge des prévisions trafic et de l’affectation des compagnies dans nos installations. Ainsi, depuis mon arrivée, nous avons déjà opéré beaucoup de replis, de réouvertures et de refermetures successifs, avec le soutien de tous nos clients et partenaires.

Cette adaptation permanente a été notre plus grand défi. La fermeture historique de Paris-Orly puis la baisse drastique du trafic aérien nous ont obligés à déployer des trésors de créativité, d’ingéniosité et d’agilité afin de rester résilients dans la gestion quotidienne de nos installations.

« Cette crise nous a permis de déployer des trésors de créativité, d’ingéniosité et d’agilité. »

Je tiens à saluer l’engagement sans faille de mon équipe, d’autant qu’une bonne partie d’entre elle est en activité partielle. Je suis très admirative de leur capacité à réagir, avec toujours la même détermination, pour faire en sorte que notre outil soit le plus efficace, le plus optimisé et le plus qualitatif possible.

Toute cette mobilisation est également rendue possible par la cohésion de la communauté aéroportuaire et la qualité de notre dialogue avec tous les partenaires (compagnies, services de l’Etat, assistants ou commerces) qui nous accompagnent dans l’adaptation permanente de la plateforme à l’évolution de son trafic et des contraintes sanitaires.

Comment s’articule votre feuille de route ?

Le transport aérien était, jusqu’à très récemment, une industrie en croissance continue, C’est désormais une industrie en transformation, avec l’exigence environnementale au premier plan. Paris-Orly, aéroport urbain, en sera un acteur majeur.

En effet, 2021 sera l’année de définition de nos nouvelles orientations stratégiques autour de l’environnement. C’est pourquoi nous voulons inscrire toutes nos évolutions dans une démarche respectueuse de l’environnement, et accélérer le verdissement de nos activités.

Mais lorsqu’on parle du sujet environnemental, il est d’abord important de rappeler que Paris-Orly s’appuie déjà sur d’énormes atouts, que nous devons valoriser davantage. Cette dynamique environnementale a débuté il y a plus de 20 ans avec la construction du STEP, le système de traitement des eaux pluviales, qui repose notamment sur un bassin biologique et un marais filtrant permettant de recycler les produits hivernaux utilisés côté piste, mais aussi avec la géothermie, mise en place depuis maintenant 10 ans pour chauffer nos installations.

En outre, nous souhaitons revoir un certain nombre de nos marchés de sous-traitance en matière de navettes, pour avoir des flottes de véhicules beaucoup plus vertes. Nous avons également de nombreux projets côté piste, comme de réduire les émissions de CO2 produites par les APU, les équipements de pistes qui servent notamment à assurer le chauffage ou la climatisation des aéronefs.

Nous souhaitons optimiser encore notre production décarbonée de chaleur dans les années qui viennent, en installant une pompe à chaleur qui permettra d’améliorer encore l’efficacité du puits de géothermie, et en créant une nouvelle sous-station pour exploiter la chaleur d’un incinérateur de déchets voisin de la plateforme.

« Notre ambition, c’est de produire 80 % d’énergie décarbonée à l’intérieur de nos installations à horizon 2024. »

Ce n’est pas tout. C’est encore assez méconnu mais nous bénéficions également d’une extraordinaire biodiversité. Cette dernière s’est remarquablement développée grâce à une politique très ambitieuse zéro phyto engagée depuis 2015. L’aéroport Paris-Orly et ses prairies aéronautiques sont donc un véritable poumon vert et un réservoir naturel exceptionnels au cœur du sud francilien.

+ de 86

espèces aviaires sont recensées autour de l’aéroport Paris-Orly

Et puis, bien évidemment, il y a la gestion du bruit qui est un combat primordial. Là aussi, nous souhaitons aller plus loin, à court terme, pour améliorer la qualité de vie des populations riveraines en limitant l’accès des avions les plus bruyants en particuliers aux heures les plus gênantes ou encore en accélérant, en liaison avec la DGAC, le déploiement de procédures de navigation – on les appelle les descentes continues – qui peuvent améliorer significativement le confort sonore des habitants.

Coquelicots sur la piste 3 de l’aéroport Paris-Orly

Par ailleurs, nous avons la chance de nous appuyer sur un aéroport qui a été très largement rénové au cours des années : Orly 3 en 2019, la refonte du process départ international d’Orly 4 plus récemment, ou encore une rénovation d’une partie d’Orly 2. Cela va se poursuivre, notamment avec l’arrivée de la ligne 14 du métro, projet emblématique pour 2024, dont le chantier se déroule en ce moment même juste en face d’Orly 3. La future gare de la société du Grand Paris est en cours de construction, avec tout un parking et une gare routière qui s’inscriront également dans cet espace.

2024 est donc un horizon important pour nous, puisque nous pourrons alors relier encore plus facilement, avec un mode de transport collectif, Paris-Orly à la capitale.

Une seconde ligne de métro, la ligne 18, viendra s’ajouter à horizon 2027, et s’accompagnera d’une extension de la gare routière, accolée à la gare de métro pour permettre l’interconnexion. Cette dernière aura vocation à améliorer l’efficacité des réseaux de bus qui arrivent aujourd’hui depuis l’Essonne et le Val-de-Marne et permettent de desservir la plateforme pour tous les salariés qui viennent travailler, pour les passagers et, plus généralement, pour tous les riverains de nos territoires qui voudront aller à Paris.

Comment construisez-vous les relations avec les riverains ?

La relation avec les riverains est au cœur de ma fonction. Paris-Orly a la particularité d’être un aéroport positionné au sein d’un tissu urbain très dense, avec beaucoup de communes qui nous entourent. Il est donc essentiel qu’il existe un dialogue permanent et constructif entre la communauté aéroportuaire et son écosystème territorial, basé sur une confiance réelle et réciproque.

« La relation avec les riverains est au cœur de ma fonction. »

C’est pourquoi j’ai souhaité, depuis ma prise de fonction, aller à la rencontre de tous les élus du territoire : les maires des communes alentour, les présidents des conseils départementaux, les établissements publics territoriaux, évidemment l’ETP 12 en tout premier lieu (l’établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre ndlr). Et cela va continuer de manière soutenue. L’idée est de travailler avec eux sur des projets concrets, pour faire en sorte que l’action que nous menons soit construite en lien étroit avec les territoires qui doivent être les premiers bénéficiaires des activités de l’aéroport.

L’aéroport Paris-Orly vient d’avoir 60 ans : quel regard portez-vous sur son évolution ?

C’est plus exactement le terminal Vicariot qui vient d’avoir 60 ans. Le terrain d’aviation d’Orly est plus ancien que ça, puisqu’il a pris la suite de Port Aviation avant la Seconde Guerre mondiale.

Ce que je vois dans cette évolution, c’est que l’aéroport a su s’adapter à l’évolution du volume et de la typologie du trafic. C’est frappant de voir la différence de physionomie entre ce terrain d’aviation en 1940 ou 1960 et l’aéroport tel qu’il est aujourd’hui. Nous sommes passés d’une plateforme qui s’articulait autour de deux terminaux principaux, Sud et Ouest, à aujourd’hui un terminal unique avec un parcours complètement facilité.

« L’aéroport Paris-Orly s’est montré très adaptable à l’évolution du volume et de la typologie du trafic. »

L’histoire de Paris-Orly a suivi celle des usages de l’avion et a donc connu des changements considérables. C’est pour cette raison que je pense que c’est un outil industriel précieux : parce qu’il est souple, flexible et qu’on a su le faire évoluer et le modeler en fonction de l’évolution de nos besoins.

À quelles conditions considérerez-vous que votre mission sera réussie ?

D’une part, lorsque nous aurons diminué de manière drastique les émissions de CO2 et les nuisances sonores liées aux opérations aéroportuaires et que nous aurons réussi à verdir notre activité au sens large, en lien avec nos partenaires.

Et, d’autre part, je considérerai ma mission réussie si les riverains voient davantage l’aéroport comme un atout pour leur territoire, voire une fierté que comme une source de nuisances.

Restons en contact

Suivez l’actualité des projets, travaux et événements proches de chez vous grâce à l'infolettre Entre voisins.

Infolettre février- mars 2024